Cet article explore une tradition liturgique taoïste vivante, située dans la région aux alentours de la ville de Meicheng dans le district d'Anhua, au centre nord de la province du Hunan. Grâce à des recherches à la fois ethnographiques et documentaires, il met en lumière le rôle central qu'y jouent les rituels dits du Tonnerre (leifa). Plus spécifiquement, il montre qu'à Meicheng, un taoïste, tel que l'établit le processus d'ordination, demeure intrinsèquement lié aux divinités des rituels du Tonnerre. Une lecture attentive du rite de Transmission (bodu ke, chuandu ke), au cœur du rituel d'ordination (zouzhi jiao), révèle que le lien contractuel entre l'ordinand et une divinité spécifique du Tonnerre est constitutive de ce que signifie être un taoïste (daoguan, daozhang) dans cette région. En plus du pacte de sang établi avec l'un des maîtres chargé de la transmission — un prérequis pour que l'ordinand puisse recevoir les textes et les instruments liturgiques nécessaires à l'accomplissement de rituels — l'impétrant doit aussi conclure un pacte du même genre avec un général du Tonnerre. Dans le lignage particulier présenté ici, l'ordinand se lie lui-même au Seigneur céleste Yin Jiao, chef de divinités du Tonnerre qui lui procurent la puissance efficace dont il aura besoin pour accomplir tout rituel. Pour les taoïstes de ce lignage, un contrat avec Yin Jiao est une condition sine qua non pour pouvoir entrer dans le lignage. La relation de proximité avec Yin Jiao est spatialement représentée par l'installation des divinités du Tonnerre dans le nouvel autel du Tonnerre (leitan) du taoïste, et textuellement exprimée dans le certificat d'ordination qui atteste de l'identité du taoïste dans cette vie et dans la prochaine. En grande partie, c'est par la vertu de cette relation rituelle, établie lors de la cérémonie d'ordination, que l'impétrant peut être considéré comme un taoïste à part entière par sa communauté et par les puissances célestes.