Le Code civil portugais de 1867 cultiverait-il le goût du paradoxe ? D'un côté, les juristes français, tout en reconnaissant une part d'influence française, admettent volontiers son originalité, liée à une pluralité de sources et à son plan quadripartite rompant avec celui du Code Napoléon ; l'œuvre est peu appréciée, car elle annonce la fin prématurée du modèle juridique français et l'entreprise de « recodification » de la fin du XIXe siècle. De l'autre, la doctrine portugaise regardera avec circonspection un code jugé trop « français », qu'elle s'empressera de changer en fonction de ses goûts germanophiles en 1966. Afin de résoudre cette contradiction, un regard sur la doctrine de son rédacteur, Antonio Luis de Seabra, doit être consenti. Éclectique assumé, le vicomte de Seabra présente à travers sa philosophie du droit une formule originale quoique déconcertante de codification. Fidèle aux idéaux jusnaturalistes, il visait à donner naissance à un code système destiné au commun et à la doctrine. Mais son ambition portait plus loin : hostile à la méthode et à l'état d'esprit du Code Napoléon, Seabra confectionna un curieux code à partir, pour l'essentiel, des écrits des jurisconsultes français jugés conformes à la raison. Aurait-il conçu un « anticode » français, chargé de mettre un terme à la tyrannie du Code Napoléon et du positivisme juridique ?