1971 A 193. – Erasmus, Desiderius. Opéra omnia Desiderii Erasmi Roterodami recognita et... illustrata. Ordinis primi tomus secundus, Amsterdam, North-Holland Publishing Company, VIII-726 p., ill. Ce second volume de l’édition critique des Œuvres d’ÉRASME comprend quatre textes : De pueris statim ac liberaliter instituendis, éd. Jean-Claude Margolin (Tours), pp. 1-78 ; De ratione studii, éd. Jean-Claude Margolin, pp. 79-151 ; De conscribendis epistolis, éd. Jean-Claude Margolin, pp. 153-519 Dialogus Ciceronianus, éd. Pierre Mesnard (Tours), pp. 581-710. Il se termine, selon l’usage établi, par une liste des abréviations (pp. 711-715) et un index nominum (pp. 717-726). Pour chacun de ces textes, voir respectivement nos 205, 206, 203, 209.CR : Marcel Bataillon, BHR XXXV-2 (1973), pp. 382-392 ; Roland Crahay, Lat 30, 1971, pp. 1169-1170 ; Maria Cytowska, Eos 61 (1974), pp. 391-394 ; Félix Heinimann, MH 31-4 (1974), pp. 252-254 ; Jérôme Machiels, ABB XLIII (1972), p. 465 ; Jean-Pierre Massant, ARG 69 (1978), pp. 299-316 ; Craig R. Thompson, RQ 25-2 (1972), pp. 202-209 ; Jozef Usewijn, HumLov XXVI (1977), pp. 243- 243, HumLov XXVII (1978), pp. 297-304 et HumLov XXXI (1982), p. 207. 194. – Erasmus, Desiderius. [Sélection de ses œuvres en anglais]. In Raymond Himelick, Erasmus and the seamless coat of Jésus... Translation with introduction and notes by R.H., Lafayette, Indiana, Purdue University Press, 24 cm., IX-222 p. Les œuvres d’Érasme traduites sont respectivement : De sarcienda Ecclesiae concordia (On restoring the unity of the Church), une sélection des Lettres et de l’Ecclesiastes. Voir les nos 208, 210, 214.L’auteur-éditeur cite en exergue un passage du colloque Puerpera, trad. Thompson, Jeremy Taylor et Bacon. La sélection des écrits porte toute sur la seconde partie de la vie d’Érasme. Les traductions sont presque toute de R.H., car la plupart des traductions préexistantes ne sont pas « available in modem dress ». Des dix-huit lettres présentées, seule la Lettre à Volz a été traduite et publiée in extenso (voir « Early Tudor Translations », texte sans doute traduit par Tyndale, avec modernisation de l’orthographe et de la ponctuation). Les textes (dont le commentaire du Ps. 83 pour le De concordia) ont été choisis en raison de leur aspect pédagogique. Les idéaux humains et les préceptes théologiques comprennent deux pôles distincts en tension à l’intérieur de la pensée d’É. Ces deux relèvent du concept de loi. Système avant tout christocentrique, le Christ est le point fixe, la cible (scopus). Toutes les coordonnées le rencontrent, dont le concept de loi. Cela est essentiel pour l’appréhension de la pensée d’É. comme un tout. Et pourtant É. n’a guère d’opinion favorable des juristes, dont il déplore les discussions formelles ; il n’utilise guère lui-même le concept de loi. Présentation non systématique, mais conception profonde et encyclopédique, qu’il faut aller chercher dans de nombreux écrits. É. n’a jamais écrit de summa sur aucun sujet. Examen des Adages, notamment des grands, philosophiques et politiques, la Maria, les Colloques, la Paraclesis, la Ratio verae theologiae, les Paraphrases du Nouveau Testament, le De libéra arbitrio, etc. La « philosophia Christi » est en relation avec ce concept de loi. La modération d’Érasme, produit de son caractère et de sa réflexion, est un trait fondamental dans sa pensée ; en effet la réconciliation est pour lui la condition de la restauration de toutes choses dans leur état primitif et bon. Cette philosophie intègre l’homme et la nature, créations de Dieu, la transformation de ceux-là en leur perfection originelle. Le Christ représente l’absolu de l’humaine perfection, et l’image non équivoque de la perfection divine. D’où une philosophie de l’amour de Dieu et des créatures, par l’Incarnation. L’homme déchu peut se racheter grâce à l’amour et au sacrifice du Christ. L’homme est tombé par un choix, il ne peut être restauré que par un libre choix. Il doit donc exercer librement sa raison et sa volonté. Dans la chute, ses facultés ont été perverties, mais non détruites. Distinction, dans le contexte de considérations historiques, de trois lois : Lex naturae, lex operum, lex fidei. Dieu est antécédent à toute loi. La loi de l’esprit divin (lex spiritus) ou lex caritatis est aussi la lex Christi. Bibliographie, 220-222.CR : E.J. Devereux, RQ XXVI-4 (nov. 1973), pp. 461-462 ; Donald M. Conroy & Ford L. Battles, JESt 12 (sept. 1975), pp. 272-273 ; P.W.B., SCN (été 1972), p. 54 ; R.T. Bruère, CIP, juillet 1972, p. 200. 195. – ÉRASME DE ROTTERDAM. Liberté et Unité dans l’Église (Sur l’interdiction de manger de la viande, Contre de soi-disant évangéliques, Sur la concorde de l’Église). Introduction, présentation des textes et bibliographie par J.M. de Bujanda. Traduction et notes par Roland Galibois, en collaboration avec Pierre Collinge. Publications du Centre d’Études de la Renaissance de l’Université de Sherbrooke, Éditions Cosmos, Montréal/ Sherbrooke, ill., 223 p. La préface de J.M. de Bujanda indique que cette publication est le fruit du premier séminaire interdisciplinaire tenu au cours de l’année académique 1969-1970. Une note du traducteur précise que la fidélité rigoureuse au texte latin a parfois été sacrifiée à l’élégance du style. L’introduction insiste sur la personnalité religieuse d’Érasme, l’influence de la devotio moderna et de Colet, la philosophia Christi qui a commencé à s’exprimer à travers l’Enchiridion, sa défense constante de la liberté chrétienne, les traits de son christianisme intérieur. L’Écriture Sainte, comme fondement de la vie spirituelle et de la théologie. Les textes présentés unissent liberté et unité de l’Église. Dans ses polémiques avec Luther, É., qui défend le libre-arbitre, ne le traite pas comme un hérétique. Dans le domaine culturel, il réagit contre toutes les formes de tyrannie. Analyse des trois textes traduits dans le volume (voir n° 202, n° 204 et n° 217). Ils correspondent à des problèmes différents, mais on y voit la même préoccupation d’affirmer la liberté de tout chrétien, même à l’égard de certaines lois ecclésiastiques Les circonstances ont rendu de plus en plus chimériques les thèses conciliatrices d’É., mais ses idéaux sont rendus plus aisés par le climat consécutif à Vatican II Les trois textes occupent respectivement les pages 27-73, 74-113, 114-212. Orientation bibliographique, pp. 213-216. Index analytique, pp. 217-219.CR. : Albert Hyma, RQ\.\6 (1973), n. 4, pp. 463-464. 196. – Erasmus, Desiderius, Antibarbarorum Liber. Fragments extraits de la version de ca. 1489 (de l’Oratio) et de la version de 1494/95, d’après le manuscrit de Gouda. In J.D. Tracy, The 1489 and 1494 versions of Erasmus’« Antibarbarorum Liber » voir n° 397), pp. 95- 120. Les extraits du texte d’Érasme, répartis en trois appendices, sont référencés d’après l’édition d’A. Hyma des Antibarbari (in The Youth of Erasmus, Ann Arbor, Univ. Michigan Press, 1930 ; voir le « Reprint » de 1972). Appendice I : « The Oratio of c. 1489 » (p. 270). Orationis exordium, de « Nisi et apud judices... » jusqu’à (p. 330) « successorem mihi peto... ». Texte de Hyma parfois corrigé et notes intercalées. L’appendice II : « Additions of uncertain date » se compose de 5 fragments (p. 285, pp. 288-89, pp. 290-292, pp. 292-294, pp. 322-323). Toute cette section ne peut pas être datée, bien que certains matériaux appartiennent certainement à YOratio d’origine. Mais les attaques contre le scholasticisme sont postérieures. Remarques de l’auteur intercalées entre les extraits, portant sur les dates possibles des textes, ou leur caractère d’insertions. L’appendice III : « Additions of 1494 » se compose de 7 fragments, également commentés par textes intercalés. Analyse interne de ces textes permettant une datation possible, et la découverte de leur caractère d’insertions. 197. – ÉRASME. Les Colloques d’Érasme, choisis, traduis et présentés par Léon-E. Halkin. Nouvelle édition revue et augmentée, Presses Académiques Européennes, Bruxelles, 21, 5 x 14, 5 cm ; 127 p., couv. ill., vignettes romantiques gravées à l’eau-forte par J. Chauvet précédant les dialogues, et lettrines empruntées à l’édit, de Victor Develay, Les Colloques, 3 vol., Paris, 1875-1876. La présentation (pp. 3-13) esquisse les traits de l’humanisme chrétien de la Renaissance et de la méthode humaniste (pratique directe des auteurs, contact avec le réel, prédominance du contenu sur la forme, etc.). Esquisse rapide de la vie et de la personnalité d’Érasme, auteur des Colloques qui occupent dans son œuvre une place de choix. Analyse de ces dialogues, leçons d’esprit critique et manuel de sagesse aimable pour tous les âges et toutes les conditions. Thèmes d’actualité : voyages, études, clergé, femmes, enfants, guerres, etc. Du dessein primitif d’offrir aux élèves un manuel de conversations latines à l’ambition de distraire en les instruisant tous les hommes et de fustiger les abus. L’édition des Colloques est toute une histoire. Problèmes de la traduction, défauts de quelques traductions françaises classiques (Gueudeville, Develay, Jarl-Priel). Effort de respecter la lettre et l’esprit d’Érasme. – Courte bibliographie, suivie de la présentation et de la traduction des onze colloques suivants : La confession du soldat (pp. 17-23), Les pieuses agapes (pp. 25-36), Les hôtelleries (pp. 35-45), Le naufrage (pp. 47-55), L’amoureux et sa belle (pp. 57- 70), La femme qui se plaint du mariage (pp. 71-80), Le jeune homme et la prostituée (pp. 81-87), Le Père Abbé et la femme instruite (pp. 89-96), Le chevalier sans cheval ou la fausse noblesse (pp. 97-108), Charon (pp. 109-116), L’épicurien (pp. 117-125). Par rapport à l’édition de 1942 (voir QA, n° 743) et à celle de 1946 (voir QA, n° 881), celle-ci ajoute les colloques suivants : Le naufrage, L’amoureux et sa belle, et Le jeune homme et la prostituée. Traduction claire. précise, élégante ; très brèves notes. Voir l’édition critique des Colloques par le même auteur, F. Bierlaire et R. Hoven (voir n° 442).CR : M.-M. de La Garanderie, BHR XXXIX-3 (1972), pp. 354-355 ; Marie-Claude Rousseau, Moreana 33 (1972), pp. 37-38 ; SF (janvier-avril 1972), 46, p. 136. 198. – Erasmo DA ROTTERDAM. Garante, trad. Palmiero Perugini, in Pierre Mesnard, Erasmo (voir n° 352), pp. 243-249. Traduction nouvelle du colloque de 1529, Charon (éd. L.-E. Halkin, ASD 1-5, pp. 575-584) entre Charon et le génie Alastor. Complément des textes choisis par P. Mesnard et traduits par P.P. 199. – ÉRASME, Désiré. Dialogue matrimonial, traduction de Barthélémy Aneau (« Comédie, ou Dialogue matrimonial »), in La femme dans la littérature française et dans les traductions en français du XVIe siècle, textes choisis et présentés par Luce Guillerm-Curutchet, J.-P. Guillerm, Laurence Hordoin-Louppe, Marie-Françoise Piejus, « Études et Travaux de l’Université de Lille-III » Sciences humaines, Lettres et Arts, Publications de l’Univ. de Lille III, 304 p. gr. format, pp. 26-34. Extrait de la première partie (Traités de morale domestique et de morale mondaine), où sont donnés en traduction des textes d’Aristote, Xénophon, Plutarque, Alberti, Girardi. Bembo, Boucher, etc. Le texte latin d’Érasme (ASD 1-3, pp. 301- 313) est le colloque Conjugium, et met en scène deux femmes mariées, Xantippe et Eulalie. La première est acariâtre par suite des déceptions que le mariage lui a apportées, et ne fait rien pour ramener la paix dans le ménage, accusant les hommes – et son mari en particulier – d’être la cause de ce fiasco conjugal. La seconde est toute douceur, et pense que c’est par toutes sortes de prévenance qu’elle peut réintroduire l’harmonie dans le couple, en pardonnant notamment les frasques d’un époux volage. Marot a traduit ce colloque en vers français, Barthélémy Aneau l’a fait à son tour en 1541. Marguerite de Navarre a composé une nouvelle puisant son inspiration aux mêmes sources qu’Érasme. Texte important pour l’image de la femme et la condition matrimoniale au XVIe siècle. 200. – Erasmo DA ROTTERDAM. La conversazione dei vecchi, ossia la carrozza, trad. Palmiero Perugini, in Pierre Mesnard, Erasmo (voir n° 352), pp. 225-243. Traduction nouvelle du colloque de 1524, Gerontologia sive ochèma, Senile Colloquium (éd. Halkin, ASD 1-3, pp. 375-388) entre Eusèbe, Pamphile, Polygame et Glycion. Pas ou à peine de notes. Complément des textes choisis par P. Mesnard et traduits par P.P. 201. – Erasmo DA ROTTERDAM. La moglie che si lagna del marito, ossia il matrimonio, trad. Palmiero Perugini, in Pierre Mesnard, Erasmo (voir n° 352), pp. 209-225. Cette traduction nouvelle du colloque Uxor mempsigamos sive Conjugium, éd. crit. Léon-E. Halkin, ASD 1-3, pp. 301-313) fait partie d’un chapitre complémentaire de la traduction italienne de l’Érasme de P. Mesnard, intitulé Terni diversi dai « Colloqui ». 202. ; – erasme de rotterdam. Sur la concorde qui doit régner dans l’Eglise, in Erasme de Rotterdam, Liberté et Unité de l’Eglise (voir n° 195), trad. R. Galibois et P. Collinge, pp. 114-212. En latin, selon les éditions, De amabili Ecclesiae concordia ou De sarcienda Ecclesiae concordia. L’épître. dédicatoire est adressée à Julius Pflug (1499-1564). Celui-ci avait écrit à É. le 5 mai 1533 pour lui demander son avis sur la situation de l’Église. Froben annexa cette lettre au De sarcienda quand il l’édita à Bâle en 1533 (cf. Allen, X, p. 217, L. 2806). Le texte d’É. est en fait un commentaire du Psaume LXXXIII, où il expose sa pensée sur l’Église et les voies qui conduiraient à la réconciliation entre partisans et adversaires de la Réforme. Le traité fut bien accueilli par le pape Clément VII, mais se heurta à l’opposition de certains cardinaux de la Curie. Le texte fut censuré en 1570. Les idéaux d’É. sont ceux d’un tiers parti modéré. Après la mort d’É., Pflug continuera à défendre ses thèses, essayant de les faire admettre aux colloques de Worms et de Ratisbonne (1541) et dans la rédaction de l’Intérim de 1548. – Traduction faite d’après les Opéra omnia, éd. Leyde, t. V, col. 469-506. La lettre à Pflug est signée de Fribourg, le 31 juillet 1533. Notes en bas de page.CR : Guy Fitch Lytle, RenRef, v. X (1974), n° 1, pp. 45-46. 203. – Erasmus, Desiderius. De conscribendis epistolis, édité par Jean-Claude Margolin (Tours), in Opéra omnia Des. Erasmi Roterodami, ordinis primi tomus secundus (voir n° 193), pp. 153-579. Dans l’introduction (pp. 157-203) : genèse historique de l’Opus de conscribendis epistolis, de sa composition à sa publication (1496-99 à 1521, pour l’édition Siberch non reconnue, et à 1522, pour l’édition Froben reconnue), y compris le manuscrit autographe du texte ; les éditions jusqu’à 1540 (très nombreuses, preuve du grand succès de ce traité de l’art épistolographique) ; comparaison entre ce texte et celui de la Brevissima formula. De 1522 à 1540, environ 55 éditions ou réimpressions, y compris celle des Opéra omnia de 1540 ; le titre change parfois. L’histoire de ces éditions éclaire d’un jour nouveau l’histoire de l’érasmisme. Editions et traductions postérieures à 1540. A défaut d’une traduction intégrale (qui n’a été réalisée que très récemment), ce texte a été largement traduit ou adapté. La lettre-modèle « ad amicum quemdam » a été souvent traduite. Éditions s’échelonnant du XVIe au XVIIIe siècle (1732). A ce texte est souvent associé le Libellas de conscribendis epistolis de Vivès, la Methodus de Celtis et la Methodus conscribendi epistolas de C. Hegendorf. Sources, intérêt et influence du traité érasmien d’art épistolaire (voir les traités italiens ou hollandais du XVe siècle, auxquels É. fait allusion). Rapports entre ce traité et la Déclamation sur l’éloge du mariage (voir n° 982). C’est beaucoup plus qu’un traité théorique sur l’art d’écrire des lettres. Analyse des djverses éditions confrontées avec le texte de l’éd. originale (A, Froben, août 1522). Épître dédicatoire à Nicole Bérault (pp. 205-208, LB 343). Le texte proprement dit du traité (pp. 209-579) correspond à LB 345-484. Apparat critique et notes.CR : Marcel Bataillon, BHR XXXV-2 (1973), pp. 387-388 ; Roland Crahay, Lat 30 (1971), p. 1170 ; Maria Cytowska, Eos 61 (1974), p. 394 ; F. Heinimann, MHelv 31, 4 (1974), pp. 253-54 ; J. Machiels, ABB 43 (1972), p. 465 ; J.-P. Massaut, ARG 69 (1978), pp. 301-304 ; Craig R. Thompson, RQ 25, 2 (1972), pp. 192-209 ; Jozef Usewijn, HumLov 27 (1978), pp. 297-301. 204. – ERASME DE ROTTERDAM. Sur l’interdiction de manger de la viande, in Erasme de Rotterdam, Liberté et Unité dans l’Église (voir n° 195), trad. R. Galibois et P. Collinge, pp. 27-73. Traité adressé à Christophe von Uthenheim, évêque de Bâle, le 21 avril 1522, à la suite d’un scandale survenu dans une maison voisine de celle d’Érasme, le dimanche des Rameaux : un groupe de citoyens avaient mangé de la viande sans tenir compte des règlements de l’Eglise. É. en profita pour expliquer son point de vue sur les interdits de l’Église, après avoir consulté Louis Ber, professeur à l’Université de Bâle. L’évêque est dans sa résidence de Porrentruy. D’abord favorable à la Réforme, il avait reçu É. très aimablement. Les relations entre les deux hommes furent toujours cordiales. Le De esu carnium n’était pas destiné au public ; il circula sous le manteau, mais fut finalement publié à Bâle par J. Froben le 6 août 1522. Dix ans plus tard, Froben ajouta à la seconde édition des scholies, où É. répondait aux accusations des théologiens scolastiques, notamment Beda. Cf. à ce sujet la communication à Tours de Mgr Coppens (voir n° 492). É. était devenu plus prudent, mais ne reniait pas ses idées anciennes. L’ouvrage a été mis à l’index par l’Église de la Contre-Réforme. – La traduction est faite d’après les Opéra omnia de Leyde, 1703-06, vol. IX, 1197-1214. Le texte est signé du lundi de Pâques. Notes en bas de page. 205. – Erasmus, Desiderius. De pueris statim ac liberaliter instituendis, édité par Jean-Claude Margolin (Tours), in Opéra omnia Des. Erasmi Roterodami, ordinis primi tomus secundus (voir n° 193), pp. 1-78. L’introduction (pp. 3-19) traite de la genèse du texte (publié à Bâle chez Froben en septembre 1529, mais composé pour sa plus grande partie plus de vingt ans plus tôt), de l’épitre dédicatoire au jeune Guillaume de Clèves du genre littéraire auquel il appartient (c’est une declamatio d’esprit lucianesque quant à la présentation, mais plutôt inspirée de Quintilien), des éditions antérieures à 1540 (9 éditions) des éditions et traductions postérieures à 1540 (5 éditions séparées de 1541 à 1935 ; traductions en italien, anglais, allemand, hongrois, néerlandais, espagnol et français entre 1545 et 1966, sans compter la traduction française de P. Saliat de 1537 et la traduction polonaise de M. Cytowska de 1970). L’analyse du texte souligne les deux parties de longueur très inégale, correspondant à l’« argument contracté » et à l’« argument enrichi ». Développement d’une série d’argumentations éthico-pédagogiques. Le conspectus siglorum comprend 5 lettres – 5 éditions (A, ed. princeps, à É, éd. parisienne de 1536). Les variantes sont insignifiantes. Le texte (pp. 21-78) correspond à LB 481-516. Apparat critique et notes en bas de page.CR : Marcel Bataillon, BHR XXXV-2 (1973), pp. 382-385 ; J. Usewijn, HumLov 27 (1977), p. 242. 206. – Erasmus, Desiderius. De ratione studii, édité par Jean-Claude Margolin (Tours), in Opéra omnia Des. Erasmi Roterodami, ordinis primi tomus secundus (voir n° 193), pp. 79-151. L’introduction (pp. 83-109) traite de la genèse du texte (publié à l’insu d’Érasme en 1511, et reconnu par lui dans l’édition strasbourgeoise de Schürer de 1514), qui connut une vie souterraine et des remaniements divers et qui est issu de la correspondance pédagogique d’É. des années 1496 à 1498 ; du genre littéraire auquel il appartient (c’est une epistola protreptica, c’est-à-dire une lettre d’exhortation, la plus grande partie du texte se composant de conseils pratiques à l’usage des maîtres, et notamment de Pierre Vitré) ; des éditions antérieures à 1540 ; des éditions et traductions postérieures à 1540 (pour ces dernières, trad. allemande de 1896, anglaise de 1904, hongroise de 1913, italienne de 1942, espagnole de 1956, polonaise de 1958) ; des sources, de l’influence et de la signification du texte. Le texte ayant deux versions, on adopte deux séries de sigles pour les distinguer (A’, B’, C’ et A, Ao, B, C, D, E, F). Le texte qui sert de base est celui de l’édition Schürer de 1514. Le texte des deux éditions complètes (BAS 1540 et LB, 1703-06.) n’est pas utilisé. Le texte édité (pp. 111-146) correspond à LB, 519-530. Il est accompagné d’un apparat critique et de notes. Il est suivi du texte du l’édition parisienne de 1511 Biermantius-Granjon (pp. 147-151).CR : Marcel Bataillon, BHR XXXV-2 (1973), pp. 382-387 ; Roland Crahay, Lat 30 (1971), p. 1170 ; Maria Cytowska, Eos 61 (1974), p. 393 ; F. Heinimann, Mus Helv 31, 4 (1974), pp. 253, J. Machiels, ABB 43 (1972), p. 465 ; LP. Massant, ARG 69 (1978), pp. 299-316 ; Craig R. Thompson, RQ 25, 2 (1972), pp. 192-209 ; Jozef Usewijn, HumLov 26 (1977), pp. 242-243 ; HumLov 27 (1978), pp. 233-235. 207. – Erasmus, Desiderius. De recta Latini Graecique sermonis pronuntiatione, A collection of Facsimile Reprints selected and edited by R.C. Alston (Série « European Linguistics » 1480-1700), Scholar Press. Une note indique que le « reprint » est du format original de l’édition princeps de 1528, d’après l’exemplaire de la Bodleian Library (Byw U 3.17-2). Définition rapide de l’objet du livre, l’un des ouvrages fondamentaux de la linguistique, manifestant l’intérêt d’Érasme pour la prononciation du latin dans les langues vernaculaires. Les théories d’É. causèrent de vives controverses, notamment en Angleterre, où Stephen Gardiner, chancelier de l’Université de Cambridge, interdisait l’usage de la prononciation érasmienne du grec (mais elle était enseignée par John Cheke : voir le De pronuntiatione Graecae linguae de 1555) et par Thomas Smith. En France une loi du Parlement rendait illégale cette prononciation du grec. Reproduction de l’édition frobénienne de 1528, qui comprend aussi le Dialogus Ciceronianus. L’exemplaire de la Bodléienne a appartenu à Symon Grynaeus, dont on voit l’ex-libris (don de Jérôme Froben : « Symoni Grynaeo H.É.dd. »). Ouvrage dédié à Maximilien de Bourgogne (pp. 5-6). Le De pronuntiatione occupe 214 p. (sign. A03v0). Début du Ciceronianus (04 r° et p. 215) par la lettre-dédicace à Jean Vlatten (pp. 215-218). p. 219 : Dialogus cui titulus Ciceronianus, sive de optimo dicendi genere. P. 422 : FINIS. Suivi, p. 423, d’une note hâtivement rédigée par Érasme, et adressée au chartreux Emsted, où il déplore la mort récente et inattendue de Jean Froben (« loanni Emstedio cartusiano, Deploratio... ». Ce texte de la Deploratio mortis Frobenii sera reproduit dans les éditions suivantes, jusqu’en 1530. A la p. 431, « Epitaphium loannis Frobenii per Erasmum Roterodamum », 4 distiques latins, puis grecs. 208. – Erasmus, Desiderius. De sarcienda Ecclesiae concordia (On restoring the unity of the Church), in R. Himelick, Erasmus and the seamless coat of Jésus (voir n° 305), pp. 29-109. Traduction anglaise originale de R.H., accompagnée de notes (pp. 98-109). Le texte de cette œuvre, qui date de la fin de la carrière d’Érasme, résume en une vaste synthèse, le programme de toute sa vie, celui de l’humanisme chrétien. Le vieil homme qui écrit cette œuvre est moins sûr, sinon de l’importance du progrès réalisé dans l’étude de l’Écriture, du moins de celle de l’enthousiasme de l’homme pour la lumière plutôt que pour la chaleur. C’est un texte « torrentiel », « bondissant », « retournant souvent à sa source » (Allen), il n’est pas un modèle de construction serrée. É. utilise la méthode de la Copia, développant de toutes sortes de manières les points importants. Quand il avoue avoir été prolixe, ce n’est pas nécessairement la reconnaissance d’une faute. É. a attendu d’être éloigné de Bâle pour publier son livre (« nisi loco commutato »). C’est pourtant dans cette ville et toujours chez Froben qu’il le publia en 1533. La même année, le livre fut publié à Anvers, Leipzig et Paris. Et en un an, il eut deux traductions allemandes, une flamande et une danoise. Le mouvement va se ralentir, mais le XVIe siècle compte encore neuf éditions, en latin, allemand et flamand. Le XVIIe siècle, encore moins. Pas d’édition en France ou en Italie, et plus généralement dans les pays d’obédience catholique ; mais pas davantage en Angleterre. É. fut informé par Jean Choler que « certains cardinaux » à Rome avaient été irrités. É. souhaitait la réunion d’un synode. On faisait des rapprochements entre son livre et un livre de Luther contre la messe (de 1533), qu’É. affirmait ne pas connaître. Il était habitué à ce genre d’attaques. Il réplique à Choler sur un ton de résignation et de désenchantement. Attitude d’Erasme prêchant la conciliation et la réconciliation et le compromis, autrement dit la tolérance. Ton et style de la raison bien tempérée. Quand il rejette l’hérésie, c’est davantage par pyrrhonisme que par catholicisme. Mais il est iréniste à la fois par tempérament et par conviction. 209. – Erasmus, Desiderius. Dialogus, cui titulus Ciceronianus sive De optimo dicendi genere, édité par Pierre Mesnard (Tours), in Opéra omnia Desiderii Erasmi Roterodami, ordinis primi tomus secundus (voir n° 193), pp. 581-710. L’introduction, dont la brièveté s’explique (voir note de la Rédaction, p. 596) par la brutale disparition de son auteur (mars 1969), et qui constitue le dernier écrit de la main de P. Mesnard, envisage successivement le problème du texte et de ses éditions (édit, princeps : Bâle, Froben, mars 1528 ; éditions bâloises de mars et d’octobre 1529, et de mars 1530 ; édition des Opéra omnia de 1540, édit. d’Augsbourg de 1919 ; édit, italienne d’A. Gambaro, Brescia, 1965) ; l’argument du Ciceronianus, que l’éditeur préfère traduire par « le vrai Cicéronien », et, où l’on voit dialoguer Buléphore, Hypologue et Nosopon (celui-ci représentant l’ultra-cicéronien, imitateur servile et inintelligent de Cicéron), le problème majeur de l’imitation et du parfait orateur étant mis en lumière, avec un tour d’Europe, à la recherche du « véritable cicéronien » ; des remarques sur la composition et sur le style de ce dialogue, dont la composition n’est pas rigoureuse ni le ton homogène. Opposition entre les cicéromaniaques et les cicéroniens à l’esprit ouvert, avec le style approprié aux deux catégories. Les lettres-préfaces de 1528 et de 1529, que ne comportait pas le manuscrit de P.M. ont été reproduites, enrichies des notes d’Allen et de Gambaro. Tout le reste (texte, apparat critique, notes), n’a pas été modifié, en dépit des circonstances qui n’ont pas permis à l’éditeur de reprendre son texte. Le texte d’Érasme s’étend de la p. 599 à la p. 710 (correspondant à LS 971 – LS 1026).CR : Marcel Bataillon, BHR XXXV-2, pp. 388-391, Maria Cytowska, Eos 61 (1974), pp. 57-58 ; F. Heinimann, Mus Helv 28, 4 (1971), pp. 253-254 ; Werner Kaegi, SZG 21, 1-2 (1971), pp. 120-125 ; E.W. Kohls, TZ, 1971, pp. 147-148 ; Jean-Pierre Massaut, ARG 69 (1978), pp. 299-316 ; W.O. Schmitt, DLZ 92, 7 (1971), pp. 548-554. 210. – Erasmus, Desiderius. Ecclesiastes, fragments traduits en anglais par Raymond Himelick, in Erasmus and the seamless coat of Jésus (voir n° 219), pp. 213-219. Extraits publiés d’après l’édition Clericus, LB V, 1070C-1072A. Rapports avec le De ratione studii et le De copia, mais application des règles générales de la rhétorique et de l’éloquence de la chaire. L’un des traités les plus lus d’Érasme (LB V, 769-110C), qui comporte une infinité de thèmes et de « loci », concernant l’« ars praedicandi ». Sur l’exégèse et les différents sens de l’Écriture, etc. 211. – Erasmo, Desiderio. El Enquiridión o Manual del Caballero cristiano, Edicion de Dámaso Alonso, Prólogo de Marcel Bataillon. La Paráclesis o exhortaciôn al estudio de las letras divinas, Edición y prólogo de Damaso Alonso (Traducciones espanolas del siglo XVI), Madrid, C.S.I.C., Instituto Miguel de Cervantes, 536 p., 25 cm., 16 facs. (Anejo XVI de la Revista de Filologia española). Réimpression de l’ouvrage publié à Madrid en 1932. On notera, de M. Bataillon : « Prologo » (5-84), « Apéndice III : El Enquiridión y la Paráclesis en Méjico » (527-534). 212. – ÉRASME, Désiré, h’Enchiridion (extrait). Texte présenté, traduit et annoté par Benoît Beaulieu, Université Laval), Etlit 4, 2 (août), pp. 211-217. Document publié dans un numéro spécial de la revue Études Littéraires consacré au XVIe siècle (« Orientations de la pensée au XVIe siècle ») et complétant deux études consacrées à Érasme, celle de P. Sage (n° 372) et celle de l’auteur-traducteur lui-même (n° 233). Importance de l’ouvrage, publié en 1504, où É. a déplacé l’idéal de vie spirituelle au formalisme des pratiques. L’Enchiridion annonce des idées luthériennes, mais É. ne semble pas lire la même Bible que Luther. Il soumet l’Écriture à tout un travail d’exégèse rationnelle, scientifique, alors que Luther opte pour une lecture directe, immédiate, relevant de l’extase individuelle. É. retient la Bible éclairée par les Pères de l’Église, Luther s’en tient à la Bible seule. É. conçoit l’antiquité gréco-latine comme une pré-révélation chrétienne, ce qui n’est pas le cas de L. L’extrait donné est le passage de l’édition des Opéra omnia de Clericus (LB V, 27D-37C), avec de nombreux paragraphes absents. Principaux thèmes : du visible à l’invisible, application à la Bible, contre le judaïsme des « œuvres », que faire ? Notes infra-paginales, soulignant notamment tous les traits de « philosophie du Christ » (Évangile), par différenciation d’avec la philosophie des Grecs, évangile naturel. 213. – Érasme. Enchiridion Militis Christiani. Introduction et traduction par A.J. Festugière, Paris, J. Vrin (« Bibliothèque des textes philosophiques »), 15, 5 x 24 cm et 216 p. Traduction française et commentaire de l’un des écrits religieux les plus importants d’Érasme. L’introduction (pp. 9-63) étudie les circonstances des deux éditions principales, l’édition originale de 1504 et celle, précédée de la lettre-préface à Paul Volz de 1518. Celle-ci, publiée par Froben, a été précédée de deux éditions à Leipzig chez V. Schumann en 1515-16, soit à la veille de l’entrée en scène de Luther. L’influence d’É. sur les humanistes saxons date de ce temps. Érasme garda toujours de fidèles disciples dans cette partie de l’Allemagne. Analyse détaillée du texte, de ses sources, profondément chrétiennes (Bible, Saint Paul, patristique) ; influence de Colet et de Vitrier. L’apprentissage des Écritures par É. (cf. lettre à J. Jonas sur Colet après la mort de ce dernier, Allen IV, ep. 1211). Préparation de l’édition de 1518 (Angleterre, Italie, Bâle, travaux bibliques et patristiques). Résumé de la lettre à Volz du 14 août 1518 (Allen III, ep 858). L’allégorie du combat spirituel annoncé par le titre de l’ouvrage et développé tout au long du texte amplifie la parole de saint Paul sur les armes du chrétien. Sur les destinataires de l’Enchiridion, quatre documents : le livre lui-même, la lettre à Volz, deux lettres de la correspondance à un certain Jean (ep. 164, automne 1501 ; ep. 698, 2 nov. 1517) et la lettre à Botzheim (30 janv. 1523). S’agit-il d’un jeune homme ou d’un homme mûr et débauché, marié et militaire de surcroît ? Aucune des hypothèses n’est bien fondée, en fait le Manuel s’adresse à l’ensemble des chrétiens. L’analyse détaillée du texte insiste sur l’appel à un christianisme intérieur, la condamnation des pratiques extérieures. La vie spirituelle n’est pas constituée des dévotions, mais d’un contact avec l’Esprit. L’ouvrage confirmait dans leurs appétits nouveaux des centaines de lecteurs fatigués des indulgences et des aspects trop « institutionnels » de l’Église. Traduction précise, rendant bien compte des concepts philosophiques, évitant tous les effets de style superflus. Nombreuses notes et références en bas de page.CR : J.V. Follet, BHR XXXV-2 (1973), pp. 353-355 ; André Godin, Moreana 34 (mai 1972), pp. 83-95. 214. – Erasmus, Desiderius. Sélections from the Letters, in R. Himelick, op. cit. (voir n° 305), pp. 110-212. Les lettres choisies et traduites en anglais sont les suivantes : Lettre à Paul Volz (qui fut publiée d’abord comme préface d’une édition de l’Enchiridion en 1518), pp. 110-132 (d’après la traduction de John C. Olin, in Christian Humanism and the Reformation, 1957, pp. 109-133) ; – extrait de la Lettre à Albert de Brandebourg, archevêque de Mayence, le 19 octobre 1519, de Louvain (voir Allen, IV, 1033), traduite par John C. Olin (Christian Humanism..., ed. de 1965, pp. 135-145), pp. 133-140 ; extrait d’une lettre à Jean Slechta (Allen, IV, 1039), écrite de Louvain en 1519 (Slechta était un noble Bohémien : voir P.S. Allen, Age of Erasmus Oxford, 1914, pp. 281-286), pp. 141-149 ; – extrait d’une lettre à Lorenzo Campeggio, Louvain, 1520 (voir Allen, IV, 1167), pp. 150-160 ; – Lettre au médecin milanais Louis Marliano, Louvain, 1520 ou 1521 (Allen, IV, 1195), pp. 161-164 ; – Lettre à Jodocus Jonas, professeur à l’Université d’Erfurt et disciple de Luther (Allen, IV, 1202), traduite par Olin (op. cit., 1957, pp. 151-153), pp. 165-173 ; – Lettre au Duc Georges de Saxe, de Bâle, 1526 (voir Allen, VI, 1743), pp. 174-175 ; – Lettre à Simon Pistorius, contemporaine de celle au Duc de Saxe (voir Allen, VI, 1744), pp 176-178 ; – Lettre à Willibald Pirckheimer, de Bâle, 1527 (voir Allen, VII, 1893), p. 179 ; – Lettre de 1527 à Martin Bucer (voir Allen, VII, 1901), réimprimée dans sa totalité par Huizinga, Erasmus and the Age of Reformation, New York, 1957, pp. 243-246), pp. 180-182 ; – Lettre à John Longland, évêque de Lincoln, de 1528, en défense des Colloques contre une attaque en Angleterre, après leur récente condamnation à Paris (voir Allen, VII, 2037), pp. 183-187 ; – Lettre de 1529 à Justus Decius, auteur et patron des arts et des lettres en Pologne, bienfaiteur d’Érasme (voir Allen, VIII, 2175), p. 188 ; – Lettre à Jean Botzheim de 1529 (voir Allen, VIII, 2205), pp. 189-191 ; – Appendice à une lettre à l’archevêque de Cologne, Hermann von Weid en 1528 (voir Allen, VII, 1976), pp. 192-193 ; – Extrait de l’une des Epistolae Floridae adressées à Cuthbert Tunstall, évêque de Londres et de Durham, sympathisant avec Rome (voir Allen, VIII, 2263), pp. 194-197 ; – Lettre à Balthasar Mercklin, ecclésiastique au service de Charles-Quint (voir Allen, VIII, 2284), pp. 198-200 ; – Lettre à Jacopo Sadolet de 1531 (voir Allen, IX, 2443), pp. 201-204 ; – Lettre à Martin Bucer de 1532 soulignant les différences entre ses vues et celles des Réformateurs, lettre-réponse à Bucer (voir Allen, IX, 2615), pp. 205-209 ; – Fragment d’une lettre à un destinataire inconnu, dont manquent le commencement et la fin ; écrite en 1533, elle est fort inspirée des conclusions du Liber de sarcienda Ecclesia, qui date de la même année (voir Allen, VIII, 2853), pp. 210-212. 215. – Erasmus Roterodamus. Letter to Martin Dorp, 1515 in Fraise of Folly and Letter to Martin Dorp, translated by Betty Radice with an Introduction and Notes by A.H.T. Levi (voir n° 219), pp. 209-252. Seconde partie du volume, qui inclut cette lettre fameuse, qui fait partie intégrante des commentaires explicatifs de la Maria. Dorp, théologien modéré, parlait au nom de ses collègues de Louvain. Sa première lettre à Érasme date sans doute de 1514, et vise surtout à empêcher É. de publier son édition du Nouveau Testament, plutôt qu’une nouvelle édition de L’Eloge. La réponse d’É. est cette lettre de mai 1515 : il est pressé, il regrette « presque » d’avoir publié la Maria, qui exprime ironiquement ce qu’il a développé dans l’Enchiridion, qn’W n’a fait que suivre les conseils d’Augustin dans le De doctrina christiana. É. n’a pas envoyé la totalité de la lettre, qu’il destinait à la publication, il est impossible de savoir exactement quelle portion il envoya. Dorp répondit en août 1515, poursuivant ses objections. Voir dans l’Introduction, pp. 48-50. 216. – Erasmus, Desiderius. Ao Serenissimo Rei de Portugal, João o Terceiro de nome, filho de Manuel, envia Desiderio Erasmo de Roterdão as suas saudaçoes [Au Sérénissime Roi de Portugal, Jean, Troisième du nom, fils de Manuel, D. Erasme de Rotterdam adresse ses salutations], traduction en portugais par Ana Paula Quintela Ferreira Sottomayor, de l’épître dédicatoire des Lucubrationes aliquot Chrysostomi éditées par Érasme (Bâle, Froben, 1527), in RFL, Série de Historia, Porto, vol. II, pp. 211-223. Texte latin dans Allen, Opus Epistolarum Erasmi, t. VI, ep. 1800. C’est la préface de la traduction par Érasme d’une partie des oeuvres de S. Jean Chrysostome. C’est l’insistance du banquier Schets qui avait arraché ce texte à Érasme. La préface ne parvint d’ailleurs jamais au roi du Portugal, parce que, dans un paragraphe, il avait critiqué sévèrement le pillage des colonies portugaises et le monopole imposé à certaines denrées, comme le sucre (d’où leur enchérissement), tout en feignant de croire que le pouvoir royal n’y était pour rien. Dans l’édition des Opéra omnia de Chrysostome (Bâle, Froben, 1530), cette préface fut supprimée. La lettre à Jean III est datée de Bâle, le 24 mars 1527. 217. – érasme de rotterdam. Contre de soi-disant évangéliques, in Érasme de Rotterdam, Liberté et Unité de l’Église (voir n° 195), trad. R. Galibois et P. Collinge, pp. 74-113. Le 27 septembre 1529, Boniface Amerbach annonçait à Érasme, qui s’était réfugié à Fribourg, la publication des Annotationes in leges pontificias et caesareas de haereticis, puisées en partie dans l’Apologie contre certains moines espagnols, publiée par É. en 1528. Ces extraits d’Érasme, hors de leur contexte, déformaient sa pensée, en le faisant passer pour un ennemi de la politique impériale. Pour se défendre et dénoncer ces manoeuvres dont l’auteur était Gérard Geldenhauer, É. écrit cette apologie violente « contre de soi-disant évangéliques ». Il appelle son ex-ami Vulturius Neocomus. Il rappelle d’abord son amitié pour l’ancien secrétaire de Philippe de Bourgogne, évêque d’Utrecht, et fils naturel de Philippe le Bon. En 1517 É. avait dédié à ce prélat sa Querela Pacis et avait préfacé la lettre de Geldenhauer sur l’entrée de Philippe dans son diocèse. Dans une lettre du 28 mars 1530 adressée aux magistrats de Strasbourg, É. se plaint de ce qu’ils aient autorisé la publication des Annotations. Mais É. va plus loin, et proclame son désaccord avec les mouvements extrémistes de la Réforme, ceux-là mêmes qui se donnent le nom d’évangéliques. Bucer va répliquer à cette lettre, dans une Epistola apologetica, et É. y répondra plus tard. En 1570 l’index d’Arias Montanus expurgera certains passages du texte d’É. La traduction est faite d’après l’éd. des Opéra omnia de Leyde, 1703-06, vol. IX, col. 1573-1587. Notes en bas de page. La lettre d’Érasme est datée du 4 novembre 1529. 218. – Erasmus, Desiderius. Christiani Hominis institutum..., in E. Wilhelm Kohls, Evangelisch Katechismus des Reformationszeil, etc., pp. 21, 23 cm. In Texte zur Kirchen und Theologiegeschichte, Heft 16. 219. – Erasmus of ROTTERDAM. Fraise of Folly and Letter to Martin Dorp 1515. Translated by Betty Radice with an Introduction and Notes by A[nthony] H[ubert] T[iger] Levi, Penguin Books, Harmondsworth, 265 p. Introduction, pp. 7-50, bibliographie, pp. 51-52, texte de l’Éloge, pp. 53-208. Texte de la lettre à Dorpius, pp. 209-252. L’introduction traite trois points : l’importance du texte d’É., les relations entre Érasme, la scolastique, les humanistes en général et les Réformateurs, et enfin les rapports entre le texte de l’ Éloge, Érasme et le théologien louvaniste Martin Dorp. Lien entre la culture classique et la « philosophie du Christ » peut-être plus apparent dans les Colloques, dont l’importance historique est reconnue. Analyse des différents groupes de chapitres ou sont soulignés beaucoup d’intérêts érasmiens. É. est opposé à la scolastique sous son aspect de la fin du XVe siècle, en décadence depuis saint Thomas. Saint Thomas croit en un univers rationnellement ordonné, qui reflète dans ses lois la rationalité de l’esprit divin. É. n’est pas très éloigné de cette conception, où l’homme a largement sa place, univers humano-divin moins pessimiste que celui de saint Augustin. Réaction cependant de Duns Scot, qui introduit la volonté humaine, en en faisant un primat. Opposition du scotisme et du pélagianisme. Importance pour É. du néo-platonisme florentin dont il a hérité en partie par l’intermédiaire de Colet. Il croit en la perfectibilité de l’homme, une perfectibilité intrinsèque.CR : TLS, juillet 1971, p. 915. 220. – ÉRASME Éloge, de la Folie, extraits de la version française due à Jean Thenaud, in Études rabelaisiennes IX, Genève, Droz, Travaux d’Humanisme et Renaissance CXIII, pp. Voir Marie Holban, n° 306. 221. – Erasmo, Desiderio. Elogio de la locura, La Habana, Universidad de la Habana, Faculdad de Humanidades, 169 p., ill., 23 cm (Cuademos H. Sérié Obras maestras, 3). 222. – Erasmo, Desiderio. La Paráclesis o exhortaciôn al estudio de las letras divinas. Ed. y prologo de Dámaso Alonso (Traducciones españolas del siglo XVI), Anejo XVI de la RFE, Madrid, in-4°, 536 p. Reproduction de l’édition de 1932 (voir Marcel Bataillon, Érasme et l’Espagne, Genève, Droz, 2e édition, 1991, Bibliographie, t. I, p. 522, n° 66).– L’édition originale comprenait aussi El Enquiridión del Caballero cristiano (voir n° 211) 223. – Erasmus, Desiderius. A devout treatise upon the Pater noster/made fyrst in latyn by the moost famous doctour mayster Erasmus Roterodamus/ and tourned into englishe by a yong vertuous and well lerned gentylwoman of XIX. yere of âge by Margaret More Roper London, Thomas Berthelet, ca. 1525, traduction de la Precatio Dominica in septem portiones distributa, in Richard L. DeMolen, Erasmus of Rotterdam (ed.), 1971 (voir n° 261). Texte introduit et édité par R.L. DeMolen, op. cit., pp. 93-124. L’Introduction rappelle les relations d’Érasme avec la fille aînée de son ami More, Margaret More Roper. Extrême rareté de ce texte en latin, composé par É. au sommet de sa carrière, et traduit (anonymement) par Margaret More. On ne connaît que trois exemplaires, et il n’a jamais été réimprimé après ca 1531. Ce texte exprime la grande dévotion d’É., côté de sa nature qui est souvent négligé. Il fut un maître dans l’art de la méditation chrétienne, prenant aisément congé des préoccupations mondaines. On découvre aussi en lui une sorte d’antisémitisme religieux. La Precatio fut d’abord imprimée chez Froben en 1523. En 1524, il y avait déjà 6 éditions latines et 2 traductions, l’une en anglais et l’autre en allemand. Entre 1523 et 1893 (d’après la Bibliotheca Erasmiana), il y aurait eu 27 éditions séparées. La traduction de Margaret More apparut en 4 éditions, dont la première (1524) est de Wynkyn de Worde (elle semble avoir disparu). Publiée ensuite par Thomas Berthelet et Robert Redman. La 2e éd. survivante (ca. 1525-26) est ce « devout treatise ». Le texte a été ici reproduit d’après l’exemplaire du British Muséum, une seconde copie se trouvant à Yale. Le seul exemplaire de la 3e édition (ca. 1531) se trouve à la John Rylands Library (cf. E.J. Devereux, NA, n° 51). Aucun exemplaire ne semble avoir subsisté de la 4e édition (non datée) de R. Redman. Précédant le texte de la traduction, lettre dédicatoire de Richard Hyrde, datée du 1er oct. 1524 à une de ses étudiantes, Frances Staverton (pp. 97-104) pour y louer l’éducation des filles. Il était alors au service de Thomas More pour veiller à l’éducation de ses enfants ; il deviendra tuteur de ses petits-enfants. Il introduisit les humanistes anglais jusque dans le « studio » de Margaret More, la plus brillante des jeunes femmes de son temps. Son mariage en 1521 avec William Roper ne la détourna pas de l’étude. Elle fut une femme, une fille et une mère pieuse et dévouée. Le 1er oct. 1524 elle avait terminé la traduction de la Precatio (cf. épître de Hyrde). Cette traduction est la première faite par une jeune femme de 19 ans ; c’est sans doute la meilleure traduction en prose anglaise de l’époque faite par une femme ; elle a contribué à assurer à l’anglais sa gloire littéraire. Le texte lui-même traduit par M.M.R. s’étend de la p. 104 (The fyrst peticion) à la p. 124 (the seventh peticion). Notes relatives à ce texte, pp. 139-140. 224. – Erasmus, Desiderius. Querela Pacis, Übersetzung von Andréas Bodor, in Korunk Cluj, n° 6. B 225. – Augustijn, Cornelis. Erasmus en de Reformatie [Érasme et la Réforme] in Genie en Wereld (voir n° 419), pp. 213-224, ill. Les rapports entre Érasme, la Réforme ou l’idée d’une réforme de l’Église, ne datent pas de la polémique ouverte avec Luther, sur le libre et le self-arbitre. La question est de savoir s’il faut réformer l’Église de l’intérieur ou de l’extérieur. Les idées réformistes d’É. apparaissent dans l’Enchiridion et l’Éloge de la Folie. Traduction en 1516 du NT du grec en latin, travaux de patristique, intérêt pour la théologie et critique aiguë de nombreux aspects de l’institution ecclésiastique. Contre le luxe de la Curie romaine, contre le pharisaïsme et le ritualisme excessif. Contre toutes les formes de formalisme. Dans l’Église s’était introduit un courant favorable à un aggiornamento. La critique de l’Église par É. ne vise que son aspect négatif ; il admire son aspect idéal. Son idéal est celui d’une Église qui soit une institution éducative et morale, soutenant la liberté du chrétien. La théologie a elle aussi besoin d’être réformée. Les rapports d’É. et de Luther, avant et après la rupture de L. avec l’Église. La bulle Exsurge Domine de 1520 et la Captivité de Babylone de L., la Diète de Worms de 1521. La correspondance d’É. avec le duc Georges de Saxe et Albert de Brandebourg, pour défendre L. Pendant longtemps É. a voulu rester neutre, à l’écart des deux partis, celui des luthériens et celui des théologiens réactionnaires et antiluthériens. Voir en 1524 la portée de son colloque Inquisitio de fide, où il définit son credo, et l’examen des affirmations dogmatiques de L. La guerre va se déclencher avec la publication en 1524 du De libéra arbitrio auquel L. répondra en 1525 par le De serve arbitrio. É. avait voulu faire de ce sujet une question académique, mais L. fait de ce débat le centre de sa croyance, et expose dogmatiquement ses thèses de l’asservissement de l’homme à la volonté de Dieu, de la toute-puissance de la grâce, de la justification par la foi seule. Il traite É. de pélagien et de sceptique. Incompréhension des deux hommes, des deux systèmes de pensée. É. ne trouve aucune difficulté à concilier la foi et les bonnes œuvres, ce n’est pas le cas de L. Le Dieu d’É., c’est le Christ, celui de L. est Dieu le Père, Dieu de puissance et de crainte. La réforme en Suisse, et l’influence d’É. sur Zwingli. Voir en 1522 le. De interdicto esu carnium, qui préconise un adoucissement des restrictions de l’Église en matière de jeûne et d’abstinence. Oecolampade et son livre sur la Cène en 1525, le Conseil de la Ville demandant à É. son avis sur cette question qui lui paraît spécialement complexe. Il sera peu à peu conduit à se rallier à la Tradition en ce qui concerne la signification de l’Eucharistie. Son évolution est visible d’une édition (1523) à l’autre (1535) de son Hilaire de Poitiers. É. et Bucer, É. et Bâle, qu’il quitte quand la Réforme s’y est installée officiellement. Situation difficile d’E. dont Rome exigeait une condamnation totale de L., alors qu’il éprouvait le besoin urgent de réformes dans l’Église. La Contre-Réforme apportera satisfaction à l’esprit d’É. 226. – Aulotte, Robert. Plutarque en France au XVIe siècle. Trois opuscules moraux traduits par Antoine du Saix, Pierre de Saint-Julien et Jacques Amyot, Paris, Ed. Klincksieck (« Etudes et commentaires » LXXIV), XII- 263 p. Sur la vogue des « Moralia » en France, avant la traduction célèbre de Jacques Amyot. La plupart des versions françaises ont été faites d’après un intermédiaire latin. Le texte latin est souvent celui d’Érasme, qui a traduit une dizaine d’Opuscules moraux de Plutarque. Par exemple le De discernendo amico ab adulatore (trad. en français par A. du Saix) ou le De cohibenda ira, trad.par P. de Saint Julien. Les deux traités traduits en latin par Érasme (en 1514, puis en 1526) sont abondamment évoqués dans le texte et dans les notes relatifs aux traductions de du Saix et de Saint-Julien. A. du Saix est très « érasmien », comme on le voit encore avec son immense poème, l’Esperon de discipline, système complet de morale et d’éducation. Le texte d’A. du Saix a été publié en 1537 (Paris, S. de Colines) ; il traduit un passage de la dédicace d’É. à Henri VIII ; il suit également une édition érasmienne de saint Jérôme. Voir aussi les Apophthegmes d’É., et Plutarque, Regum et imperatorum Apophthegmata. Le plus souvent il allonge la traduction d’É., ajoutant ou inventant des détails concrets ; il oublie parfois un mot, parfois il précise une citation ou une référence. Il lui arrive aussi de reproduire des erreurs imputables à É. Le texte de du Saix est constamment confronté à l’original de Plutarque, au latin d’É. et à la traduction d’Amyot. – Le second opuscule, traduit par P. de Saint-Julien, avait d’abord été mis en latin par Pirckheimer (1523) ; suivit celle d’É. de 1526 (éd. Badius). É. confesse avoir rencontré de grandes difficultés dans son travail (dédicace à A. Turzo). Version de Saint-Julien assez peu exacte, mais l’interprétation d’É. est elle-même assez souvent infidèle. Simone Atumano et Coluccio Salutati avaient également traduit en latin ce texte au XIVe siècle. Le traducteur français ajoute parfois aux additions d’É. Certaines fautes de temps, faites par É. et reprises plus tard par Amyot. Des références précises sont données en marge, ce qu’avaient négligé Plutarque et Érasme. Amyot est souvent supérieur dans ses traductions (style et précision) que ses deux prédécesseurs.CR : Isidore Silver, RQ XXV-4 (Winter 72), pp. 461-463. 227. – Balma, Teodoro. Erasmo e Moro : alla maniera delle Vite parallèle, m Ali, octobre 1971. Portrait très sévère d’Érasme, dont l’auteur oppose « l’intelligence phénoménale » à la « pauvreté du cœur » ; un « clerc enseveli parmi ses manuscrits, préoccupé seulement de son propre bien-être ». Il s’étonne de l’amitié que More avait pour lui. Le parallèle suggéré par le titre est en fait un discours contrasté, car les deux hommes sont systématiquement opposés. Jugement sur É. presque entièrement négatif. Une note éditoriale a tenté de tempérer le ton de l’article. 228. – Barycz, Henryk. Znaczenie Uniwersytetu Krakowskiego w poczatkach rozwoju erazmianizmu w Polsce [La contribution de l’Université de Cracovie à la diffusion de la pensée érasmienne en Pologne], Prace Historyczne, Zestyt 33, pp 23-37 (voir n° 418). Titre différent de celui de la conférence de 1969 (voir NA, n° 1026), mais le contenu reste le même. Sur les origines de la réception de l’œuvre et de la pensée d’Érasme à l’Université de Cracovie, et la part de celle-ci dans la formation d’un nouvel aspect de l’humanisme polonais et silésien. Il faut corriger un certain nombre de vues concernant la nature de l’effet exercé par É. pendant la première période de son influence en Pologne. Il faut notamment déplacer le centre de gravité de l’érasmisme de certaines personnalités politiques et culturelles de l’élite polonaire aux établissements d’éducation, notamment à l’Université de Cracovie. Ées livres d’É. semblent avoir exercé une influence plus précoce que les rapports personnels avec cette élite. Les propagateurs les plus enthousiastes de ses idées sont venus plutôt des couches sociales d’origine plébéienne que de l’aristocratie. Destruction du mythe selon lequel les premiers érasmiens de Cracovie auraient été le poète Pawel de Krosno (mort en 1517) et le théologien et mathématicien Martin Biem d’Olkusz. Pas davantage de rôle prédominant des adversaires de Luther utilisant les écrits polémiques d’É. Le grand diffuseur de la pensée érasmienne fut Leonard Cox, humaniste anglais itinérant, qui, à son arrivée à Cracovie en 1518, devint vite le « leader » du mouvement érasmien, groupant autour de lui Jan Rullus, les Silésiens Maciej Pyrser et Anselme Ephorinus, le Hongrois Janos Sylvester. Désireux d’attirer l’attention du public, ils éditent et commentent les ouvrages d’É. Cox entre en relation épistolaire avec É., et s’engage dans des relations durables avec un groupe d’érasmiens de Wroclaw. Vers 1527, le cercle de Cox fut dispersé. Le second des courants érasmiens autour des années « 20 » était composé d’un grand nombre d’étudiants de l’Université de Cracovie, prêts à adopter la « manière du Rotterdamois ». Chacun voulait posséder ses livres dans sa petite bibliothèque privée. Parmi ses admirateurs, Stanislaw Orzechowski, qui écrivait à la fois en polonais et en latin. Après des leçons occasionnelles sur Érasme, commença en 1530 un cycle de conférences publiques régulières. Mais elles ne pouvaient pas jouer un rôle fondamental, à raison de 10 conférences par semestre entre 1530 et 1545. Les deux œuvres principalement étudiées étaient le De duplici copia verborum ac rerum et le De conscribendis epistolis. Les professeurs s’appelaient St. Ciesla (Carpentarius), A. Glaber, Sz. Maricius, Jersy de Tyczyn et W. Nowopolczyk (Novicampianus). Dans les années 1540, un renouveau d’intérêt produisit des érasmiens savants comme St. Rózanka et St. Grzepski. Après 1550, les écrits d’É. ne_ pouvaient être étudiés que dans une semi-clandestinité à cause des pressions de l’Église et de la scolastique grandissante des cercles universitaires. 229. – Bataillon, Marcel. El erasmismo de Cervantes en el pensamiento de Américo Castro, in Estudios sobre la obra de Américo Castro, Taurus, Madrid, 1971, pp. 191-207 (repris dans Erasmo y erasmismo, Barcelona, Editorial Critica, 1977, pp. 347-359). L’irruption des œuvres d’É. en Espagne s’est heurtée à de nombreuses résistances. Après une assez courte période de grande faveur, il a été jugé non conforme aux normes religieuses. Mais il est resté des « résidus » assimilables. Comment Cervantès s’est-il assimilé Érasme ? Ce furent les préoccupations de toute la vie de recherche d’A.C., qui a d’ailleurs manifesté une évolution à cet égard. Renouvellement du problème de l’érasmisme espagnol, et spécialement cervantesque ; parcours des étapes de l’itinéraire intellectuel d’A.C. depuis Erasmo en tiempos de Cervantes (1931) jusqu’à Cervantes y los casticismos espanoles (1966) et au-delà. A.C. a été de plus en plus attentif aux rapports entre l’homme, l’œuvre et le milieu socio-historique. Cervantès a pratiqué l’« ironie méthodique » d’É. Dans son España en sa historia de 1948, A.C. étudie les trois « castes » socio-religieuses, les chrétiens, les mores et les juifs dans leurs rapports avec l’histoire générale de l’Espagne. É. a souvent été assimilé aux « nouveaux chrétiens » et aux judaïsants. Rapprochements avec les épîtres pauliniennes et l’évangélisme, base du « nouveau christianisme », proche des idées de Cervantès (cf. surtout le prologue du Quichotte). Rapprochements avec Sainte Thérèse, Saint Jean de la Croix, Fray Luis de Léon : un christianisme vécu, rapports existentiels de l’homme à Dieu. Don Quichotte, « mystique sécularisé ». Ée « cervantisme », forme sécularisée de la « spiritualité religieuse ». C’est très voisin de la quête intérieure préconisée par É. Parenté entre la position de Cervantès et celle du « spirituel » Don Diego de Miranda. Il y a un spécial « casticismo » (système de castes) de Cervantès. L’intention « poétique » et esthétique de C. rejoint son intention idéologique. Pour Castro, lecteur en 1925 de Pineau, É. représentait un courant rationaliste en Espagne, un élément critique et naturaliste de la pensée de Cervantès ; il ne voyait pas alors que l’érasmisme était avant tout un mouvement de réforme de la piété chrétienne, à rapprocher de la Luz de l’aima. Son évolution s’est faite dans un sens qui l’a rapproché de M.B., d’autant plus que celui-ci a été conduit à majorer l’importance qu’il accordait en 1935 à l’influence posthume d’É. dans l’Espagne du XVIe siècle. Influence de Juan López de Hoyos (1569), qui parle de Cervantès comme d’un « amado y caro discipulo ». Les Antibarbari n’avaient pas été prohibés, l’Exomologesis était beaucoup plus suspecte. Castro, explorateur de la permanence occulte d’É. au temps de Cervantès ; permanence esthétique de l’humanisme érasmien et lucianesque. En 25 ans Castro a reconsidéré totalement l’histoire culturelle de l’Espagne, et sa position sur Érasme et l’érasmisme a du même coup subi une radicale transformation. 230. – Bataillon, Marcel. Un problème d’influence d’Érasme en Espagne : « L’Éloge de la Folie », m Actes du Congrès Érasme de Rotterdam (voir n° 410), pp. 136-147. A la lumière de ses derniers travaux sur Érasme et l’Espagne, l’auteur reprend certaines idées de sa thèse (voir QA, n° 403) en insistant davantage sur l’influence de la Maria sur les érasmistes espagnols. Rapprochement établi entre Don Quichotte et la Maria érasmienne, ainsi qu’avec le Lazarillo de Tormes. Le don d’Érasme à l’Espagne ne serait pas seulement son évangélisme ou sa « philosophie du Christ », mais la fécondité de cette création littéraire fondée sur l’humour et le paradoxe. Il n’est pas exclu que le livre ait été traduit en castillan (voir Triunfos de Locura de Hermàn Lopes de Yanguas). Il s’agit en fait d’une adaptation et d’une exploitation très libre de la Maria, et non pas d’une adaptation de la Nef des folles de Bade. Sur 104 strophes de 12 vers, ce poème en consacre environ 80 à nous faire entendre la folie se présentant elle-même et vantant l’universalité de son empire sur les hommes. Mais ce n’est pas un monologue, mais un dialogue entre le poète et cette suspecte déesse. L’auteur a éliminé l’ambiguïté radicale du paradoxe qu’est l’éloge de la sottise et de la folie par Stultitia elle-même, et a renoué avec la tradition des moralités. La diffusion de cet opuscule a peut-être été assez large. L’auteur est nommé par Juan de Valdès. Reprise du problème si débattu de l’érasmisme de l’auteur anonyme du Lazarillo, auquel l’auteur reconnaît aujourd’hui une influence de l’Enchiridion et de la Maria. Ironie, déclamation et récit à la première personne. C’est davantage l’ironie et le paradoxe que la spiritualité érasmienne qui apparaît dans le livre. La folie de Don Quichotte et les rapports Sancho-le chevalier rappellent aussi la liaison de Stultitia et de la sagesse. La folie érasmienne ou la folie de Don Quichotte sont très différentes de la folie furieuse de Roland ou d’Ajax. Sancho hérite du vieux rôle du « fou sage » et sentencieux, et se comporte en « démystificateur », fou glossateur qui accompagne le fou naturel Don Quichotte. S’il s’oppose à l’insania, aliénation mentale, il a les passions de la sotte humanité ; il est aussi une incarnation de la stultitia. L’association du sot (tonto ou simple), avec le fou (loco) qu’est devenu l’ingenioso hidalgo est conforme au polymorphisme de la stultitia érasmienne. Ces personnages dépassent leur destinée littéraire. Il y a chez Cervantès un intérêt durable et vif pour la folie, et notamment pour la sage folie, des tendances religieuses qui rappellent l’humanisme chrétien, mais il n’y a pas à la fin de son roman la « folie de la croix ». Il est difficile de savoir ce que Cervantès connaissait vraiment et directement d’Érasme. Critique de l’« érasmisation » de Cervantès selon la thèse d’A. Vilanova (voir QA, n° 1073). Dans la Censura de la locura de Mandragon, il n’y a pas d’adaptation de la Maria érasmienne. Malgré les rapprochements établis, la folie cervantine garde sa spécificité, comme la folie shakespearienne. 231. – BATLLORI, Miquel. Algunas aspectas de l’humanisme a la Peninsula Ibèrica [Quelques aspects de l’humanisme dans la péninsule ibérique], in Catalunya a l’época moderna. Recerques d’història cultural [La Catalogne à l’époque moderne. Recherches d’histoire culturelle], Edicions 62, Barcelona, 501 p., ch. 1, pp. 19-23. Aspects de l’humanisme en Castille, en Catalogne, au Portugal. Le texte de l’auteur a été publié, sans notes, dans les Atti del seconda convegno italiano di studi filologici e storici portoghesi e brasiliani (Napoli, Istituto universitario orientale, 20-21 marzo 1965), in Istituto universitario orientale, Annali sezione romana, per Giuseppe Carlo Rossi, VIII, 1, 1966, pp. 7-12) ; trad. Francisco Miracle. – Origine et diffusion de l’humanisme dans la péninsule ibérique, importance du courant érasmien. La spiritualité du valencien Vivès est plus profonde que celle de son maître et ami Érasme, mais É. est plus intime, et son intelligence plus aiguë. Influence spirituelle d’É. dans la première moitié du XVIe siècle à travers toute la péninsule. Sur l’érasmisme en Catalogne au temps du vice-chancelier Miquel May, premier ambassadeur de Charles Quint auprès du pape Clément VII après le Sac de Rome. Érasmisme du chanoine Bemardo Pérez Chinchôn et du politique Frederigo Furió i Ceriol. Les érasmiens de Castille sont légion. Parmi eux, Alfonso de Valdès et Juan de Vergara. Érasmisme portugais au Colégio das Arles de Coimbra, et au collège de Guyenne à Bordeaux, ainsi qu’au collège Sainte-Barbe à Paris. Protestantisation de Damião de Gois et d’Antonio de Gouveia. 232. – Batllori, Miquel. Sobre les edicions gramaticals erasmianes impreses a Barcelona els segles XVI i XVII [Sur les éditions grammaticales érasmiennes à Barcelone aux XVIe et XVIIe siècles], in Homenaje a Jaime Vicens Vives [Hommage à Jaime Vicens Vives], Universidad de Barcelona, Facultad de Filosofia y Letras II, Barcelona, pp. 213-230, ill. Voir Batllori, Sobre l’humanisme (N° 43) et Catalunya... (N° 231). Nombreux liens d’Érasme avec la Catalogne et Barcelone. Bibliographie enrichie par de nombreux textes conçus pour l’enseignement du latin. Parfois le nom d’Érasme a été camouflé en Arasme. Ses ouvrages de grammaire (notamment le De constructione) complètent les éditions de la Grammaire de Nebrija. A la fin de l’article (p. 223) une bibliographie des éditions érasmiennes (37 numéros). Le De constructione a souvent été associé au commentaire de Junius Rabirius. On trouve 22 éditions des Introductiones latinae de Nebrija pour 29 éditions d’Érasme. Le « Studi general » de Barcelone a ordonné d’expurger les livres d’Érasme. Rapports entre l’ouvrage de grammaire d’É. et la Methodus de Donat. Les deux livres sont associés chez le libraire Jaume Manescal et chez Jaume Cortey ; de même, chez les imprimeurs Joan. Amorós et Pere de Monpezat (oct. 1543). Nombreux contacts avec les imprimeurs libraires de Lyon et de Venise (nombreuses éditions érasmiennes de Lyon). L’érasmisant Francesc Escobar, éditeur et commentateur de l’édition de 1557, a étudié et enseigné à Rome et à Paris, puis à Barcelone. Il introduit de nouveaux textes dans les écoles de la cité. En sept. 1545 l’Université l’élit à la chaire de « Rhetorica grega » ; il est mentionné dans les délibérations du Conseil des Cinq cents. Outre le De constructione, édition en 1557 des Colloquia. En 58, les Progymnasmata d’Aphthonius. En 1596, édition d’Érasme sans nom d’auteur. On étudie É. en 2e classe. En 1629 et 1638, le nom d’Érasme redevient explicite. A la fin du XVIIIe siècle, on a une « Syntaxi que vulgarment dehuen de Arasme ». Voir aussi chez le libraire Jaume Lacera, le 6 octobre 1543, des documents sur des « opéras vulgo dictas Sintaxis de Arasme », en collaboration avec l’imprimeur Caries Amorós... Voir les documents (doc. 493) contenus dans Madurell-Rubió (Documentas para la historia de la imprenta y libreria en Barcelona, 1474-1533, recogidos y transcritos por José M. Madurell-Marimôn, anotados por Jorge Rubió y Balaguer, Barcelone 1955). Mention expresse des textes d’É. traduits en catalan : voir, entre autres, la 2e édition barcelonaise de divers Colloques, impr. Claudi Bornat, 1568 (exemplaire ayant appartenu à l’historien Manuel M. Ribera, annotations de Francisco Scobarius, Bibl. univ. de Barcelone ; exemplaire en catalan à la B.N. de Madrid, 1569, refonte du traité par Paul Llorenç, professeur à Barcelone). Dans les éditions de Bornat, les commentaires du latin sont donnés en catalan, avec les mêmes exemples. Un bref traité est ajouté : De constructione figurata pour la « puerorum ruditas ». En 1557 le nom de Desiderius Erasmus est devenu Joannes Renanus (sic). Même le nom d’É. est remplacé dans la préface latine des éditions d’Escobar et de Llorenç. Éditions successives : Cl. Bornat (1572), Hubert Gotard (1586), J. Cendrat (1591). Au XVIP siècle, réimpression de l’éd. P. Llorenç, avec la Syntaxe de Marti Esteve, la Grammatica magna de Silvestre Casadevall et le Sensus Erasmiani d’Antoni Genover. Impressions (Gabril Graells) en 1611, 1635, 1645, 1655-1659, 1668 ; éditions de Casadevall dans la 2e moitié du XVIIe s. Dernière impression barcelonaise : 1703 Marti Gelebert... Éditions d’Antoni Villaru. Les éditions de 1557 et de 1568 de la Grammaire ont déjà été expurgées. Il y a aussi une édition de 1568 du De civilitate... Beaucoup d’« erasmiana » se trouvent aussi dans des bibliothèques particulières ; plusieurs ouvrages également dans des couvents. Parmi ces livres, l’Ecclesiastes, les Apophthegmes, le De recta pronuntiatione, les Flores Senecae, les Disticha Catonis, etc. 233. – Beaulieu, Benoît. Utilité des lettres, selon Érasme, in Et Lit, 4, 2 (août), pp. 163-174. Le Ciceronianus est un plaidoyer pour la liberté créatrice de l’écrivain contre l’artifice littéraire qui fausse les réalités de la vie et de l’âme. É. y dénonce les « singes de Cicéron » et il veut que la rhétorique s’adapte aux réalités nouvelles. É. adopte un nouveau critère, celui de l’utilité, et rejette l’idéal antique de la beauté pure. Il est l’héritier du pragmatisme spirituel de Gérard Groote et de la « devotio moderna ». Même sa vie, É. l’a conçue comme étant au service de l’intérêt des hommes. En dédiant ses Apophthegmes à Guillaume de Clèves, il pense être utile à d’autres écoliers. Même point de vue dans la dédicace du Nouveau Testament à. Léon X.É. dit qu’il n’aurait jamais écrit l’ Eloge de la folie s’il avait prévu la tempête qu’elle déclencha plus tard. Il considère l’esthétique comme une méthode d’action sur les émotions du public pour l’influencer dans un sens donné (voir LB I, 901D « De l’utilité des Colloques »). Parmi les moyens utilisés, l’ironie tient une grande place, mais son interprétation n’est pas exempte d’erreurs. On n’a pas toujours compris le motif d’utilité dans l’interprétation des Adages, qu’ils soient brefs ou longs. Ce critère d’utilité est étendu aux objectifs pédagogiques ; il préfère des ouvrages maniables et simples, voire attrayants. Il parle plutôt de « bonnes » lettres que de « belles lettres ». La culture doit surtout permettre d’acquérir l’« honnête » et la vertu. On le voit dans plusieurs colloques (Banquet poétique, Banquet religieux) et dans l’ Institution du prince chrétien. L’élégance littéraire est au service de la vertu chrétienne. La gloire littéraire doit être une perpétuation de l’œuvre, non de l’homme. É. s’est gardé des extrémistes de droite et de gauche en prêchant conciliation et utilité. La beauté atteint sa plénitude quand elle est perçue comme telle par l’homme. Les critères d’É. ne sont pas ceux de la Pléiade. Il y a pour lui une valeur morale de l’art, il fait confiance au langage pour la livraison de son message. Il bannit le pédantisme mythologique et toutes les imitations formelles. 234. – Beumer, Johannes. Erasmus von Rotterdam als Wahrheitssucher, in Testimonium Veritatis, Philosophische und theologische Studien zu kirchlichen Fragen den Gegenwart, in Zusammenarbeit mit den Professoren der Philosophisch-Theologischen Hochschule Sankt Georgen zu Frankfurt am Main, hrsg. Hans Wolter S.J. (« Frankfurter Theologische Studien », Festschrift fiir Bischof Wilhelm Kempf in Limburg, pp. 289-304.) L’humanisme est un mouvement spirituel dont la recherche de la vérité est le but principal (voir l’image de l’homme idéal, le concept d’humanitas, le recours au modèle antique). Érasme est la personnalité la plus accomplie de l’humanisme. Sa personnalité complexe rend difficile la tâche de l’exégète ; son œuvre n’est pas exempte de contradictions. Il a été jugé inconséquent par Huizinga. Recherche de la vérité conjointe avec celle de l’amour. La vie d’E. est divisée en trois périodes : une période littéraire, la période de « philosophie chrétienne », la période théologique. Dans la première, qui commence vers la fin du XVe siècle, activité de latiniste et d’« orator », amitié avec More et Colet ; caractère littéraire et passionné de ses lettres de la période de Steyn. Un travail caractéristique est les Antibarbari, manifeste humaniste. Egalement le De conscribendis epistolis, le De copia verborum ac rerum, les Adagio, les Colloquionun formulae, le De ratione studii. L’antiscolasticisme d’É. s’allie à cette pratique de la littérature. Encore à Steyn, il a jeté les bases de son De contemptu mundi. Son programme pédagogique est déjà contenu dans les Antibarbari. La période de philosophie chrétienne se caractérise par son Enchiridion et ses travaux bibliques. Son devoir de travailler dans la voie de la théologie lui fait mettre à l’arrière-plan les travaux purement littéraires, la poésie ou la rhétorique (voir Allen I, 108, 87-113, lettre d’E. à Colet). Vitrier l’incite aussi à se lancer dans l’arène théologique. Etablissement de son programme de « philosophia Christi » contre les rites et cérémonies excessifs du culte, contre les « subtilités » scolastiques ; É. se veut le « chevalier » ou le « soldat » du Christ. Il exprime ses idées, entre autres, dans la lettre-préface à Paul Volz. De même, dans l’Éloge de la folie et de nombreux Colloques. Le christianisme d’É. se réduit à quelques principes très simples tirés de l’Évangile, il insiste sur la traduction de ces principes en actes. La frontière n’est pas très nette, dans le vocabulaire d’É., entre « philosophie » et « théologie ». Sa philosophie est une philosophie de la vie, comme celle de Socrate, elle a un fondement biblique, elle est pédagogique. Voir travaux de O. Schottenloher et de R. Padberg (Eras mus als Katechet, 1956 et Personaler Humanismus, 1964). Le Christ, dans cette période de la vie d’É. est surtout un modèle et un maître à penser. La dernière période est celle de la théologie au sens plus traditionnel, une théologie ecclésiale, théologie des sacrements. Le point tournant est l’année 1525 et l’opposition théologique à Luther. É. est obligé de prendre position à l’égard de la Réforme ; ses œuvres vont exprimer des vues plus traditionnelles ; voir Hyperaspistes, Exomologesis, Liber de sarcienda Ecclesiae concordia, Institutio christiani matrimonii, etc. Même le Ciceronianus est un retour aux traditions, contre le paganisme des humanistes italiens. L’Ecclesiastes est un traité de la prédication. Sa polémique avec Alberto Pio lui permet de rappeler ses positions : il ne condamne pas le monachisme, ni les cérémonies, mais seulement les excès et déviations. Il accepte même certains aspects positifs de la théologie scolastique (LB IX, 1167F). Il se défend contre les accusations d’irrespect à l’égard des institutions ecclésiales ; il se rallie à la conception « orthodoxe » de l’Eucharistie (voir K.H. Oelrich, Der spate Erasmus und die Reformation, 1961). Il s’explique clairement sur sa position dans une lettre à Bucer du 11 novembre 1527 (Allen VII, 1901, 21-102). Voir aussi ses lettres aux autres humanistes « évangéliques », sa distance par rapport à Eobanus Hessus, Oecolampade, etc. Il fait assez souvent une « retractatio » d’écrits antérieurs ; il compose des prières, comme la Precatio ad Dominum Jesum de 1532 (voir LB V, 1215-1218), qui est tout à fait orthodoxe. Voir aussi son commentaire du Pater de 1523. Voir le témoignage de Beatus Rhenanus sur ses derniers instants. É. n’a jamais exprimé ses idées dans un grand ouvrage systématique. Il est resté un chercheur impénitent de la vérité. 235. – Beumer, Johannes. Jean Glapion OFM und Erasmus von Rotterdam, in Frzk St, 53 Jhrg., Heft 1, pp. 108-113. Le franciscain-observant Jean Glapion, conseiller de Charles-Quint, a joué un rôle important dans l’histoire religieuse (voir Lippens, « Jean Glapion, défenseur de la réforme de l’Observance », in ArchFranc Hist 44, 1951, pp. 3-70 ; et A. Godin, Glapion, in Dict. de Spiritualité VI). La question des rapports entre Glapion et Erasme pose celle de leur amitié et celle de l’influence du franciscain sur l’humaniste. Une seule lettre est connue d’É. à G. (21 avril 1522), Allen V, ep. 1275. C’est de Glapion que serait parti le premier geste de sympathie. Hutten, dont l’amitié avec Érasme s’était transformée en haine, et qui déteste G., fait allusion dans son Expostulatio à de soi-disants jugements sévères d’É. à son sujet, ce à quoi É. riposte vivement dans sa Spongia. Il reconnaît toutefois qu’il ne lui a pas accordé spontanément toute sa confiance. Les deux hommes se sont rencontrés à Bruxelles, après le concile de Worms. Dans le De recta pronuntiatione (1528) É. fera allusion à G. sans le nommer, en tant qu’orateur français, venu saluer l’empereur. D’après Lippens, G. avait reconnu en É. un réformateur convaincu et talentueux, parfaitement orthodoxe. On peut faire quelques réserves à ce sujet, car chacun n’entend pas de la même façon la réforme. Dans sa lettre à Volz (14 août 1518) É. fait justice des accusations de déviationisme que l’Église avait prononcées contre lui, et les théologiens de Louvain le prendront rapidement pour un luthérien (au moins en puissance). Dans sa lettre d’avril 22, É. met en garde contre les agissements d’un petit nombre de personnages agissant dans l’ombre, par insinuation, risquant de le déconsidérer aux yeux de Charles Quint. L’attitude d’É. a d’ailleurs été longtemps assez conciliante à l’égard de Luther auquel il ne reprochait aucun manquement grave contre la foi chrétienne (voir sa lettre à Botzheim, du 30 janvier 1523, dans laquelle il parle aussi de G., déclarant : « Il m’a écrit fréquemment, avec autant de zèle que d’amitié »). Les ennemis d’É., les théologiens de la Faculté de Louvain, ont ourdi un complot contre lui, ce dont l’a prévenu G. La question d’une influence de G. sur la production littéraire d’É. est délicate : il s’agirait alors de spiritualité biblique plus que de théologie scolastique. L’Enchiridion en tout cas, œuvre de jeunesse d’É., ne doit rien à G., qu’il ne connaissait pas encore. Mais elle doit beaucoup à un autre Franciscain, Jean Vitrier, gardien du couvent des Cordeliers de Saint-Omer. Voir à ce sujet la publication par A. Godin des Sermons inédits de Vitrier, qu’il place dans l’ensemble des productions des milieux audumarois de l’Observance franciscaine. La correspondance É./G. n’a pas duré plus d’une année (de l’été 1521 au 14 sept. 1522, date de la mort de G.). É. va bientôt cesser de produire des écrits heurtant les sentiments de la vieille Église et se rangera nettement dans le camp des adversaires de Luther. Le problème de l’amitié entre G. et É. doit être rapproché de cette déclaration d’É. à Pedro Mexia du 30 mars 1530 (Allen VIII. ep. 2300, 124) : « Lovanii cum Franciscanis mihi amicitia Christiana. ». 236. – Bietenholz, Peter G. Erasmus and the Anabaptists, in EE 2, p. 8. Il est difficile de définir les vues d’Érasme sur l’hérésie et la tolérance. Il s’est assez contredit à ce sujet. En fait sa pensée a toujours été ferme et cohérente, s’appuyant sur des convictions de base. Il est resté fidèle à son libéralisme du début, mais dans certains cas, les événements le contraignaient à enrober ses idées dans l’ironie et le paradoxe. Certains de ses jugements sur l’anabaptisme font problème. Bainton prétend que parmi les diverses sectes persécutées, É. tenait en haute estime les anabaptistes (voir son art. de Scrinium Erasmianum de 1969, NA, n° 1019). Et pourtant son hostilité est manifeste après 1530, avec le succès, les excès et la persécution du mouvement jusqu’au sommet atteint à Münster. É. écrit nommément qu’on ne peut pas tolérer les anabaptistes, parce qu’ils refusent d’obéir aux princes chrétiens, contrairement aux recommandations de l’Évangile sur l’obéissance aux magistrats. Il a confirmé cette position jusqu’à la fin de sa vie ; il s’opposait violemment à l’établissement du « roi » anabaptiste à Münster, et a justifié les persécutions. Il pensait que les troubles provoqués par les anabaptistes étaient des actes de guerre ou de violence contre la paix civile. Mais il distingue entre le devoir de l’Église, qui est d’enseigner et non de contraindre, et celui des magistrats civils qui est de maintenir ou de rétablir l’ordre. Une lettre d’avril 1529 permet de faire le point (à propos d’un anabaptiste arrêté et emprisonné à Montbéliard et à Bâle, et exécuté à Lucerne) : les anabaptistes représentent si mal le rôle de Jean le Baptiste. Tout en admettant la sincérité et la pureté de leurs intentions, É. ne peut admettre la corruption de la foi chrétienne, leur absence d’église. Il y a à la fois un sentiment d’admiration pour ces pacifistes et un humour cruel à la pensée de leur châtiment. Même en approuvant les luttes contre la secte, il n’a pas perdu son sens de la compassion originel (voir en 1533 son De sarcienda ecclesiae concordia). L’ambiguïté de son écriture n’aboutit pas à une inconsistance de son attitude. 237. – Blom (VAN der), Nicolaas. Een Gouds schoolprogram gedateerd en nader besproken [Un programme scolaire de Gouda daté et discuté de plus près], Herm, 43e Jg. 1970/71, pp. 64-71. Dans les Archives de Gouda (Oud Archief 2795) un ancien programme scolaire, déjà étudié (par L.A. Kesper, R.R. Post, P.N.M. Bot), mais daté approximativement est repris ici et daté de 1535/36, grâce à des considérations historiques éclairées de façon nouvelle (rectorat de Dorstenius). Plusieurs ouvrages de Plutarque en grec, Théocrite en grec (éd. Martens, Louvain, 1528), une comédie de Plaute (cf. éd. scolaire de l’Aulularia, complétée par Codrus Urceus et Martin Dorpius, le Rudens avec les scolies de N. Buscoducensis, ca. 1520, les Bucoliques de Virgile avec le commentaire de Torrentius, les Epistulae Ciceronis (Pafraet 1526), plusieurs ouvrages d’Érasme (en Ve classe) : Liber Colloquiorum (sans doute éd. Erven Philippe Junta, Florence, 1531), le De copia verborum ac rerum (Anvers, Van Hoochstraten, 1528), le petit livre « de constructionibus (= De constructione octo partium, du même éditeur, 1531), l’Institutio Scholastica (= Christiani hominis Institutum), Martin de Keyser, Anvers, 1531, le De ratione studii (1522). Parmi les modernes, il y a aussi Baptista Mantuanus, le « Virgile Chrétien » et parmi les médiévaux, Donat, Alexandre de Villedieu, les Parva logicalia ou les Summae logicales de Pierre d’Espagne. En 1524/25 le recteur Berius de Rotterdam donnait des leçons en grec. Nombreuses notes érudites sur la vie scolaire à Gouda et à Rotterdam à l’époque d’Érasme. 238. – Blom (VAN der), Nicolaas. Een schoolprogram uit Leuven, 1619 [Un programme scolaire de Louvain, 1619], Herm 42e Jg 1970/71, Nr. 3, Jan./Febr. 71, pp. 188-192. En explorant une ancienne édition du Nouveau Testament d’Érasme (1550) avec le texte grec et la traduction latine correspondante (du même type que les éditions van Bryling de 1553 et de 1562, et Vögel de 1565 (voir liste Kossmann nos 1678, 1680, 1681), on découvre l’activité d’un censeur (qui a rayé le nom d’Érasme, et a oblitéré un certain nombre de passages, y compris le titre). Un lecteur postérieur a rétabli la paternité d’Érasme en ajoutant son nom. Quelques exemples de censures portées sur le livre. Mais dans la reliure l’auteur a découvert les vestiges d’un texte donnant le programme scolaire du Collegium Vaulxianum pour l’année 1619. Voir la reproduction photographique, Herm., p. 200. Ce collège continuait une fondation plus ancienne, celle d’un nommé Van Nieuwlande, recteur de Gand. C’est en 1592 que Jean de Vaulx, réfugié de Rijssel, créa cette nouvelle fondation. Retour sur les fameuses « Pédagogies » de Louvain. É. et le Collegium Trilingue de 1517, le rôle du latin. Importance du « paedagogium » Lilii ; en 1627 au « paedagogium Porci », enseignement du latin et de la rhétorique. Le professeur de rhétorique Andréas Catullius était encore en fonction au Vaulxianum. On abandonne le latin en 1627 et il sera intégré en 1657 au Collegium sanctissimae Trinitatis situé sur le Vieux-Marché. En 1619 le régent était Jacobus de Bay (voir De Vocht, Hist. of... the Col. Tril. Lov., 75, n. 6). Sur ce document imprimé, on voit pour la classe de Rhétorique (utilisant la Rhetorica de Cornélius Valerius d’Utrecht) Cicéron (Epistolae, Orationes et De Amicitia), Horace (Carmina et Sermones), Sénèque (Medea), Tite-Live, Florus, Ovide (De Nuce), la Syntaxe de S. Verepaeus. D’Érasme, on recommande le De civilitate morum puerilium et de Vivès, les Colloquia ; la grammaire de Clénard et sa syntaxe, pour le grec. Le texte grec du Nouveau Testament d’É. était le seul qui fût alors à la disposition des élèves. La Polyglotte, comme la Complutensis, était trop chère. Il est séduisant de penser qu’entre le Nouveau Testament d’É. et le texte qui a servi à renforcer la reliure il y eut alors des liens évidents.CR : J. Coppens, Eph. Theol. Lov. 1971, p. 610. 239. – Blom (VAN der), Nicolaas. F.A.F., « Poeta Regius », l’auteur du « Julius Exclusus », in Moreana 29 (mars 1971), pp. 5-11. L’auteur de la satire intitulée Julius exclusus e coelis est généralement considéré comme étant Érasme, qui détestait le pape Jules II (comme la plupart des humanistes d’ailleurs). Voir la traduction anglaise récente de Paul Pascal (voir NA, n° 755), et son éditeur, J.K. Sowards, pour lesquels la paternité érasmienne ne fait aucun doiite. C. Reedijk s’est montré plus prudent dans son article de 1969 sur « Érasme, Thierry Martens et le Julius Exclusus » (voir NA, n° 1397). Voir aussi son article sur l’épigramme d’Érasme contre Jules II, en 1958 (voir DA, n° 389-1). Une seule édition brouille les cartes, celle qui est signée « F.A.F. Poete Regii libellus... », et qui fait penser à Andrelini (Fausto Andrelini Foroliviensis), qui était effectivement « poeta regius ». Reedijk est assuré que les initiales renvoient à Andrelini. Ce qui conduit à cette hypothèse, c’est « poeta regius ». On sait aussi que les manuscrits du Julius circulaient depuis longtemps entre More, Érasme, Andrelini. Certains considèrent que cette édition est la première. É. a affirmé qu’il n’aurait jamais édité un tel document. Si l’éditeur savait qu’Érasme était l’auteur, il s’est mal comporté à l’égard d’Andrelini. Celui-ci meurt le 25 février 1518, avant ou après la sortie du livre : l’éditeur a-t-il attendu la disparition du « coupable » contre lequel nul ne pouvait plus rien ? L’hypothèse ici avancée est que le camouflage ne vise Faustus qu’en apparence, mais Érasme en réalité. Celui-ci serait « Florentius Antonii Frater », nom qui correspond à l’un des deux frères de la lettre à Grunnius (Allen II, 467, 69). Les initiés ne durent pas s’y tromper. Le « poeta regius » correspondait à une amicale substitution ; d’ailleurs É. avait composé des vers contre Jules. É. avait ce surnom chez More. Celui-ci était peut-être complice de la supercherie. La Prosopopée de la Grande-Bretagne a pu ranger Érasme avec humour parmi les « poetae regii » britanniques. L’auteur propose pour la datation de l’édition Martens le milieu de 1517. 240. – BLOM (VAN der), Nicolaas. Nieuw zicht op Erasmus’ geboortejaar (II en slot) [Nouveau point de vue sur la date de naissance d’Érasme : II et conclusion], in Herm 42 (1970/71), N° 4 mars-avril 1971, pp. 266-268. Suite et fin de l’article de 1970 (Herm 42-2, nov-déc. 1970, pp. 99-106, NA n° 1704). Voir aussi l’art, du même auteur dans Humanistica Lovaniensia (1971, XX), pp. 69-79, portant le même titre en français (n° 242).– A propos de l’ouvrage de A.F. Koch, The year of Erasmus’ birth (voir NA n° 1787). Deux fois É. a demandé une dispense à cause de sa naissance irrégulière (« defectus natalium »), la première fois au pape Jules II en 1506 (« ex soluto et vidua genitus »), la seconde au pape Léon X (« ex illicito et, ut timet, incesto damnatoque coitu genitus »). Le terme « incestus » s’applique à l’union d’un prêtre avec sa concubine (voir A. Hyma, The youth of Erasmus, Preserved Smith, Erasmus, 1962). Sur le terme de vidua, au sens de célibataire (= soluta), voir Du Gange, s.v. Sur incestus, voir encore Hans Redeker, De moed van een bange revolutionair, 1968, p. 15. Voir Papinius, Dig. 48. 5. 6 : « stuprum est concubitus cum virgine vel vidua ». Négociations à Rome, Érasme est toujours attaché au couvent de Steyn. La formule « ut timet » signifie qu’É. n’était pas sûr du caractère incestueux de l’union de ses parents. Importance du Genethliacon Erasmi de Velius de février 1517, panégyrique permettant de retrouver la date de naissance. De même dans la correspondance d’É. et de Budé (lettre du 26 novembre 1516). Budé se serait rajeuni de deux ans dans cette correspondance (Mme de La Garanderie). É. a jonglé lui aussi avec la chronologie. Il semble qu’entre la fin de novembre 1516 et février 1517 É. soit bien dans sa cinquantaine. 241. – [Blom (VAN DER), Nicolaas]. [Notules sur Érasme], extraites de « Ex amicorum epistolis », in Moreana 30 (mai 1971), p. 113. Extraits d’une lettre de V.d. B. à G.M.A propos de Moreana 29 (mars 1971) et le dialogue : « Aimez-vous Érasme ? – Oui, avec un bémol ! ». L’inscription de la base de la statue d’É. à Rotterdam le nomme « dien Heylig »– ce saint. Oudaan, qui en 1677 a composé le poème néerlandais (LB I) a emprunté cette qualification à Vondel qui aurait nommé en 1622 Erasme « dien Rotterdamschen Heylig ». Voir aussi Allen, XI, ep. 3139, 100 : « Sanctus enim erat Erasmus », et Allen XI, ep. 3141, 10-15 (voir Rotterdams Jaarboekje 1965). Mais il y a une distance entre un sanctus vir et un Sanctus. Il existe depuis 1931 dans la cour de l’Erasmus Hall High School à Brooklyn une copie de cette statue. Cet Érasme donnerait tous les jours aux élèves sa « bénédiction ». Voir le tableau d’Érasme au Museo Régional de Guadalajara (Mexique) : en bas on lit les mots AUX ERASMUS ES, AUX DIABOLUS. A propos des « derniers » mots d’Érasme, Liever Got et de la remarque de Bainton dans sa biographie. 242. – Blom (VAN DER), Nicolaas, Un nouveau point de vue sur l’année de naissance d’Érasme (à propos de : A.F. Koch, The year of Erasmus’ birth, voir (NA n° 1787), Hum Lov XX, pp. 69-79. La route que suit Koch mène par le tombeau de Colet, le labyrinthe des renseignements d’Érasme lui-même, l’ancienne école de Deventer, et par le pont sur l’Yssel, construit en 1482/83. Essai de mise au point sur cette quaestio vexata de la date de naissance d’Erasme, en tenant compte aussi des arguments de R.-R. Post (É. né en 1469) et de E.-W. Kohls (É. né en 1466). Les calculs de Koch anéantissent maints calculs anciens et plus récents (entre autres celui de Kohls basé sur les inscriptions du tombeau de Colet), et découvrent une méthode sous les manipulations d’É. pour camoufler sa date de naissance : entre 1516 et 1534, É. ajoute avec régularité un an à son âge réel, de manière à faire de chaque demi-douzaine sept ans (pour échapper aux anni scalares ou climacterici) : cf. lettre de Goclenius à É. (Allen, 8, 1994A). Vie d’É. divisée en 7 étapes de 7 années ; la première année critique est la 49e (= 7 x 7), la grande année la 63e (9 x 7). Il sautait donc à partir de 1517 les anni scalares. A la base du calcul de Koch (É. né en 1467), cette conviction qu’É. connaissait bien l’année de sa naissance. Contribution nouvelle de l’auteur, à partir des calculs de Koch, avec une réflexion sur l’année 1516, qui serait la 49e année de son âge, celle de l’édition du Nouveau Testament, l’œuvre de sa vie. Importance du breve de Jules II de janvier 1506 et de celui de Léon X de janvier 1517. En 1516 É. a dû être contraint de mentionner dans sa demande de dispense les circonstances précises de sa naissance ; il aurait alors procédé à des manipulations de dates, pour protéger la réputation de son père (qui n’aurait pas encore été prêtre) et la sienne. Intérêt du Genethliacon Erasmi de Velius (panégyrique qui lui est adressé à Anvers en février 1517). Les Muses prédisent à l’enfant Erasme sa carrière : « Post quinquennia jam decem peracta / Nocturnas vigilabis ad lucernas... ». La source de Velius est la Methodus. Le 50e anniversaire serait une erreur ou convenait mieux à la métrique. Le poème, publié en avril 1517 dans Aliquot Epistole... (Martens) était surtout destiné à divulguer l’âge d’Érasme (49 ou 50 ans ?). Voir aussi les lettres, d’É. à Budé et à Capito où il divulgue son âge (Allen, ep. 480, 134, réponse d’É. à la lettre de Budé, ep. 439, 387 ; ep. 541, 96, E. à Capito). É. aurait avancé son âge (de 49 à 50 ans) sur les conseils de Budé (qui, à 48 ans, craignait sa 49e année). A partir de cette date, il fallait continuer le jeu (malgré les contradictions existant entre la Methodus et l’édition des Epistolae, ne différant que d’une année). Discussion de l’expression « ad summum » de la lettre d’É. à Ambrosius Léo du 15 oct. 1518 (ep. 868) : « au plus tôt » (Koch), « au maximum » (V.d. Blom), É. commettant une faute contre son propre système. Autres faits analysés : l’envoi en avril 1524 du Compendium Vitae à Goclenius, Deventer (date d’entrée en fonction du proviseur Hegius et construction du pont). Ce sont surtout les données de Deventer qui font difficulté dans les calculs de Koch ; les archives de la ville devraient pouvoir fournir une réponse sûre et définitive (voir surtout le n° 23).CR : P. Jodogne, SE 1973, 51 (sept.-déc.), anno XVIII, fasc. 3, p. 531. 243. – Bords, Ladislaus. « Z) er Mensch ist bekannt und unbekannt zugleich ». Reflexionen zum Leben und Werk des Erasmus von Rotterdam, in Orientierung Katholische Blätter für weltanschauliche Information, Jrg. 35, N° 13-14, pp. 157-161. 244. – Borzyskowski, Marian; Erazmowi z Rotterdamu 1469-1536 w piéesetna rocznice urodztn [Érasme de Rotterdam. A l’occasion du 500e anniversaire de sa naissance], in Studia Warmmskie, VII (1970) [1971], pp. 285-303 ; résumé en allemand.Cet article a été attribué à tort à l’année 1970 dans NA, n° 1989. 245. – [Boulier, Jean], [A propos d’Ignace de Loyola et d’Érasme], remarques extraites d’une lettre à G.M., Moreana 30 (mai 1971), p. 114. Il y avait trop de Don Quichotte chez saint Ignace pour qu’il goûtât beaucoup la folie sage d’Érasme, en fait une sagesse pas si sage ni pas si folle. Intérêt pour la dévotion d’É. à saint Jérôme. Jeune, il a lu ses lettres enflammées sur l’amour du Christ. Saint Augustin n’était pas son homme, il savait mal le grec. É. savait faire rire, et ceux dont il s’est moqué ne le lui ont pas pardonné. 246. – Boveri, Walter. Ein Bildnis des Erasmus von Rotterdam, Manesse Verlag, Conzett & Huber, Zurich, 37 p. ill. Histoire du portrait d’Érasme vieilli (âgé de 62 à 65 ans) peint par Holbein, que possédait l’artiste munichois Adolf von Hilderbrand avant d’appartenir au père de l’auteur, peu de temps avant la fin de la seconde guerre mondiale. C’est le portrait à l’huile de l’humaniste assis, vêtu et coiffé de noir, sur un fond bleu. Hilderbrand se l’était procuré en 1870 pour 300 lires chez un marchand de tableaux de Florence. On sait aujourd’hui qu’il s’agit d’un Holbein (voir t. III de la grande bibliographie de Schmidt, nos 18, 19, 68 et 69). Analyse comparée du tableau avec les autres portraits d’Érasme, peints par Holbein, notamment celui du Louvre (44 x 33 cm) et celui de Kunstmuseum de Bâle, de 1523-24. Activité picturale de Holbein dans les années 1531-32 (il est l’été de cette année en Angleterre). É. quitte Bâle en avril 1529 pour y revenir en 1535 et y mourir en 1536. Le « Rundbild » du Musée de Bâle est de 1532, et notre portrait, qui lui ressemble tout à fait, de 1531. Celui de 1532 faisait partie du « Sammlung Amerbach » ; pour celui de 1531, on ne sait rien. Essai de reconstitution de l’ histoire de ce portrait pendant les 440 années de son existence antérieure (1531-1971). L’achat à Florence réduit l’histoire inconnue à 339 ans. On sait que Johannes Dantiscus voulait une copie du portrait d’Holbein, que possédait alors Goclenius, professeur de théologie à Louvain (voir lettre du 15 avril 1531 de Campensis à Dantiscus). Goclenius aurait donné ce portrait à Dantiscus (te 2 juin 31, G. écrit à D. qu’il est si lié à Holbein qu’il lui enverra un portrait d’Érasme peint par lui). D. voulait un portrait du vieil Érasme : c’est ce portrait, peint dans la première moitié de 1531. Après un long voyage à Osten, à Kulm, à Ermland, à travers toute la Prusse Orientale, le portrait en forme de médaillon est parvenu chez le marchand de Florence. Mais il faut évoquer auparavant la guerre de Gustave-Adolphe contre la Pologne, l’invasion de l’Évêché de Kulm en 1621. Le portrait a, dans ces conditions, émigré vers la Suède, où la reine Christine était fanatique d’œuvres d’art. On ne sait dans quelles circonstances elle a envoyé ses tableaux à Rome ; elle était liée au cardinal Azzolino. Celui-ci meurt peu de temps après Christine. Tout un ensemble de tableaux furent alors dispersés. Le nôtre porte une inscription italienne. On a longtemps cru que l’Érasme du Musée de Parme était d’Holbein, ce qui n’est pas le cas. Retour à la psychologie d’Érasme. En 31-32, son combat avec Luther l’a affaibli, sa santé n’est pas bonne. Même si le portrait de 31 le laisse voir plus jeune que celui de 32, il est quand même bien marqué par les ans et la maladie. Il conserve son sourire énigmatique, parfois jugé sarcastique. Considérations historiques en relation avec cet avant-dernier portrait d’É. par Holbein. Au verso du portrait de 31, on lit : Desiderio Erasmo da Rotterdam, dans une écriture du XVIIe siècle, et un gros chiffre 197. Il a figuré à une exposition du Kunsthaus de Zurich (« Europaïsche Kunst 1950 »), et la fiche signalétique comporte, outre la date de 1531, la mention : Besitzer, Dr. W. Boveri. 247. – BOYLE, Marjorie O’Rourke. Weavers, farmers, tailors, travellers, tnasons, prostitutes, pimps, Turks, little women and other Theologists, in EE 3, pp. 1-7. L’esprit et l’élégance ne caractérisèrent pas seulement le style d’Érasme, mais sa conception de la théologie, qui partageait la folie et l’éloquence du Christ. Il s’oppose aux scolastiques et à leurs « subtilités », et il souhaite dans la Paraclesis, préface à son édition gréco-latine du Nouveau Testament, que tes Évangiles puissent être lus « par les femmelettes de la plus basse espèce..., par les Turcs et les Sarrazins ». Il s’oppose à l’idée que l’Écriture est faite pour une élite intellectuelle, et il pense que tous les chrétiens peuvent être théologiens. Il fait équivaloir théologie et piété, et il fait de la piété le lot de chacun. Influence de la devotio moderna, recherche de l’unité, retour ad fontes, imitation du Christ. Le principe de l’unité et ses corrélations : contre les divisions des scolastiques et la loquacité des théologiens, l’unité du Logos et l’unité des Chrétiens ; l’expression de la vérité est la plus simple. Il opposera « philosophie du Christ », unique, à la multiplicité des philosophies païennes. É. poursuit le thème de la nécessité suffisante du Christ, dont la doctrine est accessible à tous ; elle exige seulement un esprit pieux et ouvert, une foi pure et simple. Il souhaite que l’Évangile soit traduit dans les langues vulgaires pour que chaque catégorie humaine, si humble soit-elle, puisse y accéder (LB V, 140 B). La tension entre l’unité et la multiplicité apparaît dans ses lettres et ses traités. Il s’oppose aux dissections et divisions de la méthode scolastique ; il oppose la simple éloquence du Christ à la rhétorique sonore et creuse de l’Ecole. Dans la représentation en cercles concentriques des chrétiens, le Christ occupant le centre, le peuple occupe le 3e cercle. L’idée de l’universalité du théologien repose sur la méthode d’imitation du Christ. Dieu est l’« artiste suprême », et le Christ l’<< archétype ». Il s’agit d’imiter le Christ dans son esprit ; il est plus présent dans l’Évangile que dans ses figurations matérielles. Il faut imiter le Christ dans sa vie et en son cœur : c’est l’idéal érasmien de la docta pietas ou de la doctrina pia. La théologie comme imitation du Christ n’est pourtant pas réductible à la piété ; elle est la réflexion du seul Christ en parole et en vie. Analogie entre l’imitation du Christ et l’imitation de la nature, pour l’art, l’imitation de la pensée pour le langage. La méthode « créative » est l’émulation des bons auteurs. La théologie est une appropriation linguistique de l’Archétype. É. voit le monde comme le signe visible de la pensée de celui qui parle. La théologie est l’art de dévoiler le sens caché de l’Écriture ; elle se sert de la technique de l’allégorie. Il faut passer d’Aristote à Pythagore ou à Platon. Le théologien est un traducteur, car il transmet fidèlement la Parole. Même les illettrés peuvent prétendre à l’acquisition du sens de l’Écriture, par la possession intérieure de l’Esprit. La mimétique de la théologie érasmienne ressemble à celle d’Augustin, d’Hugues de Saint Victor, de Bonaventure. 248. – Brabant, Hyacinthe. Érasme humaniste dolent. Bruxelles, Presses Académiques Européennes, ouvrage publié avec le patronage de l’Institut pour l’étude de la Renaissance et de l’Humanisme de l’Université Libre de Bruxelles, 21 x 15 cm., 111 p., ill. en noir et en couleur. La santé d’Érasme, ses rapports avec la médecine et les médecins, le rôle dans sa vie des redoutables maladies qui marquèrent le cours de la Renaissance. La peste, qui a ravagé l’Europe médiévale, a traversé aussi la vie d’É. qui en a peut-être été atteint ; en tout cas il a fui souvent l’épidémie (à Cambridge, à Paris, etc.). La correspondance d’É. est pleine d’allusions ou de descriptions de la peste, où il est impliqué personnellement. Beaucoup de ses amis et famuli meurent victimes de la peste. La syphilis, maladie nouvelle aux noms multiples, lui fait horreur ; il parle souvent de cette « peste vénérienne » (dans le colloque entre le soldat Thrasymaque et le chartreux Denis, dans le colloque Conjugium impar, etc.). Des atroces descriptions physiques, il passe vite à la condamnation de la vie dissolue et des moeurs qui poussent des parents à « vendre » leur fille à un homme infecté de cette gale, s’il est titré. É. aurait pu être atteint de ce mal (voir lettre à John Francis, ep. 1759, oct. 1526) ne fût-ce que par l’intermédiaire de linges ou d’objets souillés. Il éprouve dégoût et bientôt haine pour le chevalier Ulrich von Hutten, atteint de ce mal. Il eut certainement la gravelle, dont il souffrit à plusieurs reprises (1507-1508 à Venise, en 1509 en Angleterre, en 1522 et jusqu’en 1526 à Bâle ; il en parle longuement dans une lettre au médecin Cop le 27 août 1526 ; voir aussi la lettre à Francis en octobre 1526). De 1527 à 1535, É. souffrit plusieurs fois de la gravelle, plusieurs lettres révèlent ses plaintes. Ces maux ne sont pas étrangers à sa mort. Il eut souvent la fièvre quarte, une fois la suette, et encore la goutte (très nombreuses allusions dans ses lettres) ; ses mains déformées apparaissent dans des dessins. Il connut encore une foule d’autres petits maux, était d’estomac délicat, détestait le poisson et la bière, n’appréciait que le vin de Bourgogne, ne supportait pas le jeûne ni l’odeur des poêles. Il se plaint toujours de son « corpuscule ». Un vif intérêt pour l’hygiène publique et privée, la prophylaxie, la diététique, etc. Il connut beaucoup de médecins, dont certains à titre de consultants (Cop, Paracelse) ; mais c’est surtout l’humanisme médical qui est à l’origine de ses liens avec beaucoup de médecins (Linacre, Gérard Lister, Snoy, Henri Afinius, Joachim Martin, John Francis, Boerio, N. Leoniceno, Louis Marliani, etc.)· Beaucoup de médecins allemands : Paracelse, Cornaro, Henri Stromer, Conrad Nyder von Eppingen. Le plus éminent des médecins amis d’É. est Rabelais, qui le salue en 1532 du nom de « père chéri ». É. est un patient en qui beaucoup d’intellectuels peuvent se reconnaître, il est mélancolique, ambivalent, se plaint souvent, et parfois de maux imaginaires. Bibliographie de 36 titres.CR . BCLF, mai 1972, n° 317, n° 84510, p. 573 ; Vito Peschiera, Labor (juillet-sept. 1971). 249. – Cantarella, Raffaele. Aristofane, Erasmo e Shakespeare : storia di un proverbio (« Atti délia Accademia nazionale dei Lincei, Rendiconti, Classe di Scienze morali, storiche e filologiche »), pp. 113- 130. Le proverbe dont il est question a été utilisé par Aristophane dans les Nuées, v. 1417, sous cette forme lapidaire : δἱϚ παίδες οί γέροντες, c’est-à-dire « les vieillards sont deux fois enfants ». Le proverbe, très célèbre, est suivi à la trace à travers l’Antiquité, le Moyen Age et la Renaissance (d’Érasme à Shakespeare) et les temps modernes (voir à la fin de l’article un très précieux index des auteurs cités, pp. 129-130). Considérations sur la définition du proverbe, d’Aristote (Rhétorique) à Michel Apostolis (dans la préface de son Recueil, Paroem. Graecci II, pp. 231-744). L’origine des proverbes est souvent inconnue ; certains sont « dans l’air » avant d’avoir reçu une consécration littéraire. Voir par ex. Eschyle (Agamemnon 74 sq. et 79-82). Isaïe parle (LXV 20) d’un « puer centum annorum ». Dans un fragment de Pélée de Sophocle, l’une des premières manifestations : πάλιν γάρ αύϑις παίς ό γηράσκων άνηρ. Une allusion au proverbe, dans Antiphon, or. F 133 Muller, Oratores Attici II, Parisiis 1888, p. 240 = F 136 ed. Blass Thalheim, Lipsiae 1914, p. 145 γεροτροφία γἀρ προσέοικε παιδοτροφία. Voir encore Cratinos (Deliad), voir Th. M.F. Pieters, Cratinus, Leiden 1946, p. 169) ῆν ἆρ αληϑής ό λόγος, ώς δίς παίς γέρων. La pièce d’Aristophane a été représentée aux Dionysies de 423 et reprise en 419/19 (sous sa forme définitive). Il y a un faux de Marc Musurus, sous la forme d’un vers attribué à Platon le Comique : ἆρ’, ώς έοικε, δίς γένοιτ’ ἄν παῖς γέρων. Cf. aussi Theopompe F 69 (I p. 751 K. = F 7, 1 p. 818 Meineke), traduit par Grotius : « si recte res putetur, bis pueri senes ». La diffusion du proverbe ne restera pas limitée au domaine de la comédie. On le trouve chez Platon (Lois I 646A) ; allusion également dans Tint. 22B. Aristote est seulement cité par Érasme (LB II, col. 195E-196A). Voir aussi Axiochus, 367C (sur les vieillards qui peuvent encore être vigoureux, mais dont l’intelligence est devenue celle d’un enfant). Voir l’expression γέρων στύππινος et la comédie de Ménandre, la Veuve (F 450, Leipzig, Thierfelder, 1959). Voir aussi Plaute, Mercator 294-296 (« aiunt solere cum rursum repuerascere »), Varron (de Lingua Latina, ap. Non. Marcell. 523, 11 Lindsay « pupum senem ») et Cicéron, Cato Major 23, 83 (« ... Ut ex hac aetate repuerascam »), et Juvénal (Satires XIII, 33 : « Dic, senior, bulla dignissimo »). Chez Lucien (Saturn. 9), Clément d’Alexandrie (Stromata), les Disticha Catonis (ed. M. Boas 1952 « Nam cjuicumque senex, puerilis sensus in illo est »), Ausone, Julianus. Au Moyen Âge, on retrouve le proverbe chez Eustache, évêque de Thessalonique, Michel Acominatus, Demetrios Cidonès, et au XVe siècle, Théodore Gaza (voir l’équivalent grec de « repuerascere » qui peut signifier « retomber en enfance », « faire l’imbécile »). Étude détaillée des scolies d’Aristophane et de Juvénal. Avec les Adagia d’Érasme, retour à la culture occidentale (cf. NA, n° 211 et n° 1345, Mann Phillips et Nauwelaerts). Voir D. Geanakoplos, Greek scholars in Venice, 1962, (DA, n° 483), sur le rôle exercé par les Grecs de Byzance sur l’humanisme italien et européen. L’édition érasmienne des Adages en 1508 est pratiquement une oeuvre toute nouvelle, parce qu’É. a pu connaître à l’Académie Aldine des manuscrits grecs de l’école crétoise. Influence probable de Marc Musurus. L’adage « Bis pueri senes » (LB 195E-196A) a été traduit par Richard Tavemer (« Olde folke are twyse chyldren »). Chez Shakespeare, Hamlet II 2, 387-389 (« ... for they say an old man is twice a child »), King Lear I, 3, 19 (« Old fools are babes again »), Cymbeliner V 3, 57 (« two boys, an old man twice a boy »). La source directe semble être Érasme. En appendice, remarques sur la diffusion du proverbe dans les langues modernes, grec moderne, français, italien, allemand, espagnol. 250. – Cavalieri, Cesare. [Sur le court-métrage de la télévision belge, Erasmo cittadino del mondo], in Rivista del Cinematografia (Rome) (s.d.). Quelques réserves au sujet d’erreurs historiques concernant notamment le séjour d’Érasme en Italie et son attitude antiromaine. 251. – Chantraine, Georges. Aspects historiques de la philosophie érasmienne, in Handelingen van het XLIe Congress, Mechelen Annales du XLIe Congrès (Mechelen / Malines 3-6-IX- 1970) publ. par la Fédération archéologique et historique de Belgique (Federatie van de Kringen van Oudheidkunde en Geschiedenis), Koninklijke Kring voor Oudheidkunde, Letteren en Kunst van Mechelen, pp. 276- 283. La linguistique atteint directement l’histoire, science humaine par excellence. Tous les témoignages, écrits ou non, du passé, appartiennent au langage. Comme l’ont rappelé M. Mann Phillips et M. Bataillon, Érasme est un maître du langage. On connaît la dimension sociale et l’enracinement historique du langage. É. goûte aussi bien le silence et la tranquillité. Il a cultivé divers genres de langage, colloques, commentaires, “disputationes”, correspondance, etc. Tout en étant hollandais de naissance et de langue maternelle, c’est avec les Anciens qu’il se forma à l’“ars bene dicendi”. Il éprouve et exprime un sens critique aigu à propos du langage. Il y a une sorte de continuité des Antiharbari au Ciceronianus. Il s’exprime en théologien et en chrétien, car il n’a pas imité servilement les Anciens. Voir la trad. du tome I de la Correspondance par Marie Delcourt (voir NA n° 590) et le c. r. de Manuel de Diéguez dans Critiques de janvier 1970, p. 68. Il y a toujours, quelle que soit l’excellence d’une traduction, une distance incommensurable entre le texte original et son expression en une autre langue. Quelques exemples empruntés à la traduction d’É. en français (notamment tou skotou quodlibetis, Allen, t. II, p. 421, où il faudrait pouvoir rendre le jeu de mots sur skotou / Scotos, allusion à Duns Scot, et aux questions “quodlibétiques”). Le langage d’É. n’est pas seulement historique, mais prophétique. Il y a chez Érasme un sentiment aigu de l’épaisseur historique et profondément spirituelle du langage et de sa crise. Quelques expressions rares et frappantes, glissées dans la prose d’Érasme : par exemple probus, probitas, qui ne caractérisent pas seulement la loyauté, c’est aussi l’honnêteté au sens du XVIIe siècle ; aujourd’hui, ce serait la valeur, une valeur morale ouverte à la grâce divine, donc proche de pietas. Alternance chez É. du couple eruditio + probitas et eruditio + pietas. Le terme poenitendam signifie la mauvaise conscience ; anima fingendo, la formation du caractère, mais plus souvent la formation spirituelle. La tradition a cru qu’Érasme s’imprégnait d’une éthique toute subjective, étrangère à la grâce divine : c’est inexact. L’absolutissima doctrina est la connaissance théologique la plus parfaite possible, et non un savoir aussi approfondi que possible. Doctrina n’a pas chez lui le sens d’une idéologie quelconque, mais celui du contenu de la foi et de la connaissance vivante que le baptisé possède s’il adhère à cette grâce. Très souvent la traduction voile le dessein théologique; Voir la lette d’É. à Antoine de Berghes avec le sens de veteres, opposé à neoterici (E. se range du côté de la théologie ancienne de préférence à la moderne). Certains aspects du langage ont de l’importance pour l’intelligence de l’histoire. Le latin n’est pas rendu en général avec assez de force. « Habet scriptura sacra linguam suam semet ad nostrum sensum attemperans ». Il ne faut pas traduire Érasme en fonction d’idées modernes. L’Écriture sainte pour É. n’est pas d’abord la Bible, mais la vivante parole de Dieu. 252. – Chantraine, Georges. « Mystère » et « Philosophie du Christ » selon Érasme, préface de Henri de Lubac, Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de Namur, fascicule 49, Éditions Duculot, Namur/Gembloux, XII-410 p. En sous-titre : « Étude de la lettre à P. Volz et de la Ratio verae theologiae » (1518). Importante contribution aux études érasmiennes et notamment à la conception de la théologie d’É. Un certain nombre de propositions résument l’essentiel de la thèse : É. est par vocation un théologien ; la doctrine qu’il appelle philosophia Christi, loin d’être un rationalisme, a pour centre le mystère, c’est-à-dire « l’ineffable charité du Père manifestée pour le Fils ». C’est en pratiquant l’exégèse allégorique de l’Écriture que le chrétien, à l’intérieur de l’Église, trouve accès au mystère pour le contempler. La position d’É. est à la fois traditionnelle et personnelle. Opposition radicale à l’idée d’un christianisme sans dogmes ou d’un « moralisme ». Dès le début (cf. la correspondance) É. a voulu devenir théologien. Mais son aversion pour la vie monastique lui fera partager son temps entre la littérature et la piété. Sa théologie nouvelle est fondée sur l’exégèse grâce à l’influence de Colet et de Vitrier. Analyse de la Lettre à Paul Volz (ch. 2), préface à une nouvelle édition de l’Enchiridion. Analyse de la formule centrale : pia doctrina et docta pietas ; la charité est liée à la doctrine. La piété est élargie à un cadre ecclésial. É. oppose le vœu du baptême aux voeux monastiques. Analyse de la Ratio verae theologiae (ch. 3), reprise (amplifiée dix fois) de la Methodus qui servait de préface au Nouveau Testament de 1516 ; plusieurs fois éditée (1518, 1520, 1522), ce qui permet de suivre l’évolution de la pensée d’É. Analyse des six « règles » considérées comme le plan voulu par É. et pas seulement chronologique ou pédagogique. Le théologien doit se laisser docilement instruire par l’Esprit-Saint, être theodidactos, la théologie n’est pleinement elle-même qu’en référence à l’Eucharistie ; celle-ci est le test de la pia doctrina. Analyse du christocentrisme et de la représentation des chrétiens disposée selon ces cercles concentriques, analyse de la doctrine de l’accommodation en vertu de laquelle le Christ adapte son langage à tous et à chacun. Explications du langage allégorique du Christ, influence de la rhétorique classique. Le Christ veut toucher silencieusement la conscience de chacun. Réflexions sur le quadruple sens de l’Écriture selon l’exégèse traditionnelle ; distinction fondamentale entre le sens littéral et les sens spirituels ; étude des limites de cette exégèse. En devenant théologien É. se serait accompli comme poète.CR : Jacques Chomarat, Moreana 36, déc. 1972, pp. 65-76 ; Jacques V. Follet, TLZ 99 (1974), pp. 609-612 : Jean-Luc Moreau, BPhil v. 20 (1973, 2, p. 170 ; J.N. Bakhuizen van den Brink, EC 42, 1974, pp. 78-81. 253. – Chièze, Jean. Une illustration moderne de l’« Éloge de la Folie » d’Érasme, in EE 2, pp. 9-11, 6 ill. L’auteur a été chargé d’illustrer la nouvelle édition-traduction française de l’Éloge de la Folie par Jacques et Anne-Marie Yvon (Paris-Lausanne, 1967, NA n° 607). Graveur sur bois exclusif de 1923 à 1953. Illustration en bois gravés de l’œuvre d’Érasme, à paraître à l’Union latine d’éditions. En tout 20 planches gravées, souci de rester personnel grâce au seul contact du texte, et volonté de prouver l’universalité et l’atemporalité d’Érasme. L’illuminé vagabond est représenté comme un pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, les Pontifes et les théologiens plus ou moins impies comme le Féroce chasseur et le Bon instituteur. Également, le « mystificateur japonais, artisan en sirènes » et les joyeux flamands au début de notre siècle. Parmi les « fous » modernes, les idolâtres des chansons et des disques d’actualité, le tourisme du cosmos, l’Adam et l’Ève de Polynésie sous l’arbre de la science devenu champignon atomique. La Folie distribue des miroirs aux personnages de tous les temps, ou encore l’invraisemblable embouteillage de la place de la Concorde. Un sort particulier est fait aux mises en scène psychologiques (la Folie et la Femme, et la Vénus callipyge du Parc de St-Cloud, ou la Folie sénile, le Jeu, les Fous de cour, etc.) ; les fastes baroques des funérailles d’un grand personnage du XVIIe siècle. Pour représenter Érasme, utilisation du modèle d’Holbein, mais arrangement d’un décor donnant sur un petit port néerlandais, avec un vase et une fleur d’œillet sauvage. L’art du bois gravé est sans complaisance, tout en précise la signification. L’écriture d’Érasme est un sortilège noir et blanc. Les lignes de J. Chièze sont dédiées à la mémoire de Pierre Mesnard, qui a commenté cet ouvrage. 254. – Christian, Lynda Gregorian. The Métamorphosés of Erasmus’ « Folly », in JHI, vol. XXXII, n° 2, April-June, pp. 289-294. Dans le discours de la Folie (Éloge de la Folie, 1511), la dualité des aspects des affaires humaines concerne le monde comme elle-même. De l’homme naturel, mené par la déesse païenne Stultitia, à l’homme régénéré, conduit par la folie chrétienne ou môria, recommandée par saint Paul. L’Enchiridion militis christiani (1503) donne la base chrétienne de la Maria, selon l’inspiration paulinienne (Ep. aux Corinthiens). Le titre complet. Marias encomion, sive stultitiae laus, semble diviser la folie en ses composantes païenne et chrétienne. Môria est le mot grec utilisé par Paul pour décrire la divine folie (I Cor. 3, 18). Dans l’Encomium, É. pense que l’homme naturel, Adam, doit précéder l’homme divin, le Christ, tout comme la folie naturelle (stultitia) doit précéder la folie divine (môria) et rédemptrice. La Folie accomplit la psychomachie inhérente à la nature de l’âme chrétienne, qui ne peut vivre sans stultitia alors même qu’elle embrasse môria. Tout cela est dans l’Enchiridion. Caractère classique de la Stultitia païenne, dans la tradition de l’éloge paradoxal, familier aux Grecs et aux Latins. C’est la tradition des sophistes qui, d’après Platon, font apparaître le pire sous les traits du meilleur. Généalogie de la Folie dans la tradition des généalogies d’Hésiode ou du lignage d’Eros, selon le Socrate du Banquet. Le vocabulaire grec de la Folie (Philautia, Kolakia, Lêthê, Hedonê, Anoia, Kômos, etc.) est principalement dérivé de Lucien. Dévôts de la Folie, nous sommes séduits par les apparences des choses, elle décrit les aspects sensuels de l’homme. A la sagesse du monde correspond une sagesse divine, comme à la folie mondaine la folie chrétienne ; les termes sont d’ailleurs réversibles. La première folie est sœur de philautia, l’amour de soi. Socrate voyait à travers sa docte ignorance le caractère fallacieux de l’amour de soi et de la flatterie du monde, et devenait ce « wise fool » qui savait qu’il ne savait rien. Seul parmi les païens, il rejetait la folie de la sagesse, recherchant la sagesse de la folie. A travers sa quête on aperçoit la métamorphose de stultitia en môria qui s’accomplit à la fin du sermon. L’ivresse du début s’est transformée en extase, la vie temporelle muée en vie étemelle, le plaisir en béatitude. A la fin, la Folie qui ne peut pas finir son discours, retourne à son aspect originel, mais elle n’est plus la même. 255. – COPPENS, Joseph. Érasme et le célibat, dans l’ouvrage collectif édité par le même auteur, Sacerdoce et célibat, Louvain – Peeters, Gembloux – Duculot (Bibliotheca Ephemeridum Theologiarum Lovaniensium XXVIII), 752 p, pp. 443-458. Sur la question du célibat des prêtres, la position d’É. est assez nuancée. Fils de prêtre, il était personnellement concerné par ce problème ; et de son temps de nombreux ecclésiastiques vivaient en état de concubinage affiché. Il a abordé souvent ce brûlant problème : Annotations au NT, Scholies sur Jérôme, Colloques, Éloge du mariage (1518, 1519, 1522, 1526) ; lettre à l’évêque de Bâle sur l’abstinence ; réponse aux critiques de la Sorbonne, et notamment à celles de Clichtove. Examen plus poussé de deux pièces du dossier : Exemplum epistolae suasoriae (vue sur le mariage, la virginité, le célibat), et les opuscules publiés entre 1522 et 1532, où sa position reste inchangée, encore qu’il s’exprime avec plus de prudence. Dans le De conscribendis epistolis (1522), l’epistola suasoria (sur le mariage) se présente théoriquement comme un plaidoyer pro, qui est suivi d’un plaidoyer contra (epistola dissuasoria), mais ses adversaires ont dénoncé dès le début la fausse symétrie formelle. É. en fait exalte l’état matrimonial du point de vue des lois naturelles, des lois humaines, et des lois divines. S’y ajoutent les recommandations des poètes, philosophes ou mythographes. É. reste dans l’ambiguïté, posant le problème du célibat en termes équivoques. Plus tard il précisera qu’il a distingué entre le célibat par vocation et le simple renoncement à l’étât conjugal. Il ne blâme pas la virginité, quand elle est consacrée à Dieu et à l’Église, mais il pense qu’il ne faut pas en exagérer la valeur (exemple de Jérôme) ; de plus, elle doit être rare, convenant sans doute aux évêques et aux prêtres, rendus ainsi plus disponibles. Telle juge très sévèrementJa position d’É. (« mosaïsme philogame érasmien »). Dans sa réponse à Clichtove, É. ajoute de nouveaux arguments : situation morale très noire du clergé et des religieux, critique de l’enseignement d’Augustin sur la concupiscence, exemple de l’Église orientale, discipline tard venue dans l’Église d’Occitient ; le mariage des prêtres n’est pas incompatible avec leur sacerdoce. En général, É. proclame la valeur relative des prescriptions ecclésiastiques, en fonction du développement historique ; mais c’est l’autorité qui doit ordonner le changement, et non une sédition populaire. En fait les arguments ne sont pas décisifs, et sont souvent embarrassés. Il a eu raison de dénoncer des abus et de réclamer une plus grande sévérité dans le choix des candidats au sacerdoce. La raideur de Clichtove est étonnante, mais elle s’explique par ses observations des désordres provoqués par la vie sexuelle de nombreux prêtres. Il veut faire du célibat un vœu solennel, et il a recours à l’Ancien Testament pour justifier ses positions, et faire admettre l’idée à l’Ancien Testament pour justifier ses positions, et faire admettre l’idée du prêtre, « homme séparé ». Opportunité de ces idées dans les temps présents.CR : R. Gryson, RHE, Vol. LXVII, N° 1-2, p. 79 (article : Sacerdoce et célibat. A propos d’un ouvrage récent, ibid., pp. 67-80). 256. – Cytowska, Maria. Erasmian Studies in Poland 1969-70. The Erasmus Quincentenary, in EE 2, pp. 13-14. Présentation détaillée des publication érasmiennes récentes en Pologne et/ou en polonais, et des manifestations du cinquième centenaire de la naissance d’Érasme. Le symposium Érasme a eu lieu à Cracovie les 27 et 28 septembre 1969 (voir NA, n° 1529). Titre des six conférences données par J. Garbacik et J. Gierowski (n° 279), H. Barycz (n° 228), Z. Szmydtowa (n° 390), J. Domanski n° 266), L. Hajdukiewicz (n° 295), W. Szelinska (n° 389). Une exposition Érasme à la Bibliothèque Jagellonne. D’autres conférences, plus modestes, ont eu lieu, dans différents centres : 1) au Comité de la Culture classique (Académie des Sciences à Varsovie, le 25 janvier 1969), « Le manifeste littéraire d’Érasme de Rotterdam » par Maria Cytowska (Université de Varsovie) ; -2) à la Société littéraire Adam Mjckiewicz à Varsovie (12 mai 1969), conférence de Zofia Szmydtowa sur « Érasme de Rotterdam – Thomas More – Piotr Tomicki » ; -3) à la Société Philologique de Pologne (Varsovie, 30 mai 1969), deux conférences de Maria Cytowska : « L’influence de Cicéron sur Érasme de Rotterdam » (reprise à la Société Philologique Polonaise à Poznan) et « Erasmiana : Érasme, éducateur d’une génération ». Pour atteindre un public plus étendu, nombreuses traductions d’œuvres d’É. en polonais : Erazm z Rotterdamu, Rozmowy = Colloques, traduits et annotés par M. Cytowska (voir VA, n° 946) Erazm z Rotterdamu, Pisma moraine = Écrits moraux, par la même (NA, n° 1627). Sélection des Adagia, sous presse. Des chercheurs polonais préparent certaines œuvres pour l’édition critique des Opéra omnia d’Amsterdam (North-Holland Publ. Co) : Kazimierz Kumaniecki (les Antibarbari : voir NA n° 931), Maria Cytowska (De constructione octo partium orationis et De recta pronuntiatione : voir n° 660 et n° 662). Également, un texte de J. Domanski sur les Apophthegmata, et un autre de M. Cytowska sur la rhétorique de l’Ecclesiastes. En gros deux centres de recherches érasmiennes en Pologne : historiques, à Cracovie, et philologiques à Varsovie. 257. – Cytowska, Maria. Europa XVI w. w. « Adagiach » Erazma z Rotterdamu [L’Europe du XVIe siècle dans les Adages d’Érasme de Rotterdam], in Meander, XXVI, fasc. 10, pp. 434-441 ; résumé en latin. Sur les observations faites par Érasme dans ses Adages, touchant aux moeurs, à la culture, et aux institutions de l’Europe du XVIe siècle. Voir Margaret Mann Phillips, The Adages of Erasmus, Cambridge, 1964 (voir VA, n° 211) et Erasmus on his Times, Cambridge, 1967 (voir NA, n° 686) ainsi que la traduction en polonais par M. Cytowska d’une partie des Adages (voir n° 644). Le nombre des adages a augmenté de 828 (en 1500) à 4151 (en 1536). Sur la signification des Adages, du commentaire philologique au sens plus fouillé, à sa valeur sociale, culturelle, voire philosophique. Mise en relation de l’adage d’É. « Occasio calva » (ou « Fronte capillata post est Occasio calva » (I, 7, 70) avec l’épigramme en vers de Rej (« Occasio to jest trefunek », Zwierzynca) : voir Z. Szmydtowa, Re/’ wobec Erazma z Rotterdamu (voir n° 391), et T. Sinko, Echa klasyczne w literaturze polskiej, 1923 (sur les rapports avec Rej, pp. 27-29). Érasme, observateur des choses du monde comme il va (É. n’est pas un savant de cabinet, il a voyagé dans toute une partie de l’Europe). Voir aussi ses Colloquia (sur les auberges, l’opulence « sordide » des moines mendiants, etc.). Tel adage concerne les duels (I, 10, 47 : « Itaque non raro fit ex compotatione monomachia »). Tel autre sur les mœurs des soldats allemands (II, 8, 24) : « Certe manet et hodie apud Germanos milites, ut dextra sublata lætitiam indicent animi ». Ou encore sur les habitudes linguistiques des femmes de Paris (III, 2, 41) : « Lutetiae feminae ob linguae delicias r vertant in s, Masia sonantes pro Maria ». Ou encore sur des « picardismes », des « comédies » musicales en France (II, 7, 60), l’usage du vin et de l’eau (III, 2, 37). Un adage consacré à la gloire et à la description de la Hollande (Auris Batava, IV, 6, 35) à confronter avec les remarques (III, 6, 50) : « Atqui Hollandia innumeras habet, quae sua industria viros otiosos et voluptuarios alunt ». Voir aussi I, 5, 52 : « Atqui in nostra Brabantia sunt agricolae tam industrii, qui sitientissimas harenas cogunt et triticum ferre ». Sur les Anglais (I, 2, 73), une anecdote relative à Henri VII (II, 15, 18), les aristocrates de Londres (I, 8, 96). Ou encore (IV, 4, 54) : « Apud Britannos complures alunt greges ursorum ad saltationem... cujus modi sunt et simiae ». Nombreux adages relatifs à l’Italie, au pape Jules II (I, 8, 23 ; III, 2, 28), à l’imprimeur Alde Manuce (III, 4, 89), etc. Dans son adage « Leges et ratio » (III, 6, 55) É. nous avertit que les moeurs des hommes correspondent aux caractères du climat, du pays ; leurs « ingénia » sont relatifs à toutes sortes de facteurs extérieurs (frugalité des Espagnols et des Italiens, intempérance alimentaire et ivrognerie des Allemands, etc.). Portrait du jeune Alexandre Stuart (à l’occasion de sa mort) en II, 5, 1, portraits d’Agricola, de Froben, etc., selon les circonstances et l’intitulé des adages. Allusions à l’alchimie, l’astrologie, etc. 258. – Davis, Natalie Z. Erasmus at Moscow, in RenRefl, pp. 84-86. A propos de la session du Congrès International des Science Historiques (Moscou, 23 août 1970) consacré à Erasme : l’Univers de l’humanisme érasmien, thème de la session organisée par la Fédération Internationale des sociétés et instituts pour l’étude de la Renaissance, sous la présidence du Dr. Bakhuizen van der Brink et de l’Abbé Raymond Marcel. Cornelis Reedijk, directeur de la Bibliothèque Royale des Pays-Bas, ouvrit la session avec son rapport sur l’état des études érasmiennes en 1970 (voir NA, n° 1855). Une partie de la communication d’E. Garin (voir BHR XXXIII-1, n° 275) sur « Erasmo e l’umanesimo italiano » fut lue par A. Dufour. J.C. Margolin, du Centre d’Études Supérieures de la Renaissance de Tours, présenta ensuite une communication sur « Erasme et le problème social » (voir NA, n° 1813). Enfin la conférence de Joseph IJsewijn (de Louvain) porta sur le thème d’« Érasme et l’historiographie » (publiée en 1972 : voir n° 539). Si certains domaines de l’univers érasmien ont été un peu négligés, ses frontières ont été élargies par le rapport d’un universitaire soviétique sur l’intérêt qu’ont manifesté les Russes, principalement aux XVIIe et XVIIIe siècles à l’égard d’Érasme. D’autres aspects de la civilisation de la Renaissance ont été abordés au cours de l’une ou de l’autre des sessions tenues à Moscou. Beaucoup d’éditions d’Érasme (principalement du XVIIe et du XVIIIe siècle) se trouvent dans le Département de la Réserve de la Bibliothèque Lénine ; peu d’éditions anciennes. 259. – Degroote, Gilbert. Desiderius Erasmus van Rotterdam, in Erasmus / Genie en Wereld (voir n° 419), pp. 25-55, portr. en couleur d’Érasme par Holbein le Jeune (1523). Présentation générale sous tous ses aspects de la vie, de la personnalité et de l’œuvre du plus célèbre des Néerlandais, né vraisemblablement à Rotterdam dans la nuit du 27 au 28 octobre 1469. Une ombre plane sur sa naissance et les premières années de sa vie, à cause de sa condition de bâtard. Il a choisi lui-même le nom de Desiderius pour faire oublier son patronyme de Geert. Son père Gérard a été copiste à Rome, sa mère Marguerite était fille d’un médecin. Il eut un frère aîné, Pieter. Visage fin et aristocratique d’É., d’après les peintres qui l’ont représenté ; non pas savant de cabinet, mais grand voyageur européen. Sa première éducation aux Pays-Bas, Gouda, Deventer, Utrecht et Bois-le-Duc. Au couvent de Steyn, près de Gouda, et sa découverte de la littérature classique qui le conduit à l’amour des bonae litterae ; sa découverte de Lorenzo Valla et des Elegantiae. Son aventure intellectuelle et spirituelle, le choix impossible entre la situation de moine et celle de lettré vivant dans le monde. É. et ses rapports avec la cour des Pays-Bas bourguignons. Sa composition des Antibarbari, premier manifeste humaniste (publié seulement en 1520 à Paris). De Cambrai à Paris et en Angleterre (en 1499). Ses voyages, ses rencontres, ses conversations lui fournissent la matière de ses futurs Colloques. Ses discussions théologiques à Oxford avec Colet, sa rencontre et son amitié avec More. Travaux littéraires et religieux, des Adagia (Paris, 1500) à l’Enchiridion (1503), aux traductions du grec et aux premiers travaux bibliques. Sa traduction du Nouveau Testament et ses Annotations le placent au cœur du débat religieux et théologique du temps. Le voyage en Italie et l’édition des Adagia, considérablement augmentée (Venise, Aide, 1508) ; la composition en Angleterre de l’Éloge de la Folie (Paris, 1509). Voyages et séjours à Louvain et à Bâle ; ses engagements d’auteur vis-à-vis de Froben, et ses écrits politiques et pacifistes (de 1515 à 1517) destinés à infléchir la politique européenne de Charles (Quint). Son installation à Bâle de 1521 à 1529, les prodromes de la Réforme, et son combat philosophico-théologique avec Luther. Il est pris entre les extrémistes et les dogmatistes des deux camps, obligé de se défendre et parfois de contre-attaquer sur deux fronts. Les derniers écrits, profondément religieux et prônant la concorde et l’unité de l’Église ; le retour en 1535 à Bâle ; la mort le 12 juillet 1536. 260. – Degroote, Gilbert. Van de « Lof der Zotheid » tôt de « Samenspraken » [De l’Eloge de la Folie aux Colloques] in Erasmus / Genie en Wereld (voir n° 419), Hoofstuk VI, pp. 165-184, ill. É. a donné la mesure la plus parfaite de son génie littéraire dans l’Éloge de la Folie, les Colloques et sa Correspondance-Expression ironique à la manière de Socrate, de Lucien et de More, mais avec une tonalité bien particulière. Son œuvre la plus aiguë, la Folie : circonstances de sa composition, l’inspiration de More (et le jeu de mots moros-Morus), les rapports avec le Narrenschiff de Brant (1494) et les « sociétés joyeuses » de Dijon et d’ailleurs. Beaucoup d’éléments concrets appartiennent à la veine populaire de la fin du Moyen Age. Importance des fêtes des fous dans les villes hollando-bourguignonnes, mais l’inspiration lucianesque est encore plus forte. Le genre est « déclamatoire » et se rattache à ces éloges qu’il a composés ou qu’il composera. Éloge de la médecine, Éloge du mariage, Éloge de la vie monacale. Peinture de la Folie, source de toute vie, des plaisirs de ce monde, rapports des hommes et des femmes dans le discours de la Folie. Rapports entre la Folie et la comédie de la vie : critique ironique des mille folies de ce monde, individuelles ou collectives. La folie rend donc heureux (mais c’est la Folie qui parle). Fine analyse psychologique et charge anti-intellectualiste qui tend à prouver que la folie est sagesse et la sagesse folie. É. a traité dans l’Enchiridion sur le mode grave ce qu’il a traité ici en se jouant. Mais ce n’est qu’une partie du sermon de la Folie, car dans la sphère du « fou de Dieu » (dernière partie) la situation se renverse : le fou est devenu non seulement le sage, mais le héros ou le saint. Maria est moins individualisée (pour avoir une portée plus générale) que Panurge, Falstaff, Sancho Pansa ou Don Quichotte. Réaction contre la scolastique. Les théologiens de Louvain ont mal accueilli la Folie, en attribuant à É. toutes les paroles de la Folie. – Des Formulae aux Colla quia proprement dits, dont les diverses éditions, augmentées et corrigées, paraissent à Bâle, chez Froben (et chez quelques autres). Exercices de dialogues latins, mais surtout critique sociale, politique, religieuse, avec humour, ironie, et souvent agressivité passionnée. Réalisme, comique et tragique mêlés, comme chez Shakespeare. Analyses rapides de quelques colloques (les Hôtelleries, l’Accouchée, le Mariage qui n’en est pas un, le Colloque des vieillards, les Funérailles, Manger du poisson) soulignant l’atmosphère et le cadre de ces saynètes de théâtre, l’importance de la question abordée par les interlocuteurs (le mariage et le divorce, le sens de la vie, les prescriptions alimentaires de l’Eglise, la « comédie » de la mort, etc.) Hygiène physique et mentale, religion dépouillée de tout son formalisme, éloge des bonae litterae. Quelques passages traduits en hollandais : Funus (Sterfbed en begrafenis, ou Twee ongelijke doden en hun uitvaart), entre Phèdre et Marcolphe (pp. 180-182). Mise en relation des Colloques avec Rabelais, Cervantès, Shakespeare, Montaigne, Molière et Walter Scott, avec Jérôme Bosch et Pierre Bruegel, les rhétoriqueurs van den Dale, Crul, van den Berghe. É. a trouvé des continuateurs chez Roemer Visscher et Coomhert, Jacob Cats et C. Huygens. 261. – [Demolen, Richard L.] Erasmus of Rotterdam. A Quincentennial Symposium, Edited by R.L. DeMolen, Twayne Publishers, Inc., New York, 152 p. et 20 x 13 cm., relié. Ce « symposium » du 5e centenaire de la naissance d’Érasme, tenu à Ithaca College les 27 et 28 octobre 1969, réunit cinq essais commémoratifs, qui caractérisent principalement Érasme comme un réformateur humaniste. Dans sa préface, l’éditeur DeMolen affirme qu’Érasme n’a été ni un protestant ni un précurseur des Lumières (cf. Erasmus of Rotterdam in Profile, n° 262), mais un homme de vision et de compassion qui préféra une réforme « interne » à la révolte. En tête de l’ouvrage, un « Welcome Address » de Robert M. Davies, en tant que « provost » d’Ithaca College, et une Préface de Richard DeMolen sur le déroulement du Symposium. Toutes les communications ont été publiées ici sauf celle d’Albert Hyma, publiée ailleurs (in Scrinium Erasmianum, 1969 : voir NA, n° 1210). Suit une chronologie d’Érasme. Les cinq contributions sont celles de Richard L. DeMolen (citée plus haut), pp. 15-28 ; James D. Tracy, Erasmus the Humanist, pp. 29-47 ; Lewis W. Spitz, Erasmus as Reformer, pp. 48-62 ; John C. Olin, Erasmus and his place in History, pp. 63-76 ; Richard J. Schoeck, The place of Erasmus to-day, pp. 77-92. Pour l’analyse de ces essais, voir respectivement n° 262, n° 396, n° 385, n° 359, n° 378. Ces essais sont suivis de la traduction anglaise de la Precatio Dominica par Margaret Roper (Londres, Thomas Berthelet, c. 1525), en reproduction diplomatique, éditée par Richard L. DeMolen, pp. 93-124 (voir n° 223). Notes relatives aux essais et à l’Introduction du Devout Treatise, pp. 125-140. Bibliog. (pp. 141-147), index (pp. 149-152). CR : J.W. Binns, MLR 68 (oct. 1973), p. 900 ; J.F. Davis, History 58 (juin 1973), p. 276 ; T.M.C. Lawlor, Moreana 10 (sept. 1973), pp. 57-59 ; A.M. McLean, Clio 2 (1973), p. 102 ; J.-C. Margolin, B HR 55 (1973), p. 229 ; M.A. Nauwelaerts, Brussels Standaard, 11 mai 1973, p. 2 ; G.F. Nuttall, J EH 24, avril 1973, p. 220 ; John B. Payne, CH 41 (sept. 1972), p. 408. D.É.S. Thomson, RenRef vol. XI (1975), pp. 126-127. 262. – Demolen, Richard L. Erasmus of Rotterdam in Profile, in Erasmus of Rotterdam, ed. De Molen (voir n° 261), pp. 15-28 et 125- 126 (notes). Nul ne doute qu’Érasme a été une figure prééminente du XVIe siècle, combinant le meilleur du christianisme et de l’humanisme de la Renaissance. Il a lutté pour établir une « philosophia Christi ». Parcours de sa vie à larges traits avec insistance sur les étapes essentielles au développement de sa personnalité. Ses caractéristiques comme pédagogue, voyageur cosmopolite, chrétien. Analyse de ses œuvres principales, et des apports successifs des différents lieux où il a séjourné. En tant que réformateur, il était un modéré ; il préférait généralement les compromis et le dialogue érudit à la révolte et au débat public. Il a essayé de restaurer le christianisme primitif et à encourager la spiritualité intérieure. Il a été portraituré par Holbein, Dürer, Metsys (dont le profil est le plus séduisant et le plus vrai). Érasme peint dans le « vestimentum clausum » du clerc-académicien, son visage extraordinaire de vie, visage du savant et du bibliophile ; ses traits sont délicats et dignifiés, avec une grande acuité spirituelle. Il aimait l’humanité. Il a exprimé sa fidélité aux hommes par son abondante correspondance. Son écriture est flexible et pleine de grâce. Peu de ce qu’il a écrit est purement littéraire ; presque tous ses écrits ont une finalité pratique. La vie intérieure est ce qui lui importait le plus. Érasme a voulu s’assurer son indépendance en résidant une partie de sa vie à Bâle. Déchiré entre deux extrêmes, il a fait preuve de courage dans le maintien de son cap. Il voulait avant tout préserver l’unité de l’Église menacée. Parfois il lui arriva d’être déchiré entre ses principes et certaines nécessités pratiques. Sa tristesse apparaît sur les portraits de la fin de sa vie (voir celui de Holbein de 1531). Il se rendait compte que beaucoup de ses combats avaient abouti à une impasse. Exemple rare d’un intellectuel dont le rôle a été essentiellement public, mais dont la vie quotidienne était particulièrement retirée, sinon solitaire. La grandeur d’É. tient à la conviction que la vérité est un instrument de réforme plus puissant que la force ou l’invective. 263. – Devereux, E. James. Tudor Uses ofErasmus on the Eucharist, in ARG 62, Heft 1, pp. 38-52, résumé en allemand. Sur l’« utilisation » d’Érasme en Angleterre, voir James McConica, English Humanists and Reformation Politics under Henry VIII and Edward VI (Oxford, 1965). – Nombreuses traductions anglaises sont données de « the most excellent and famous clerke, M. Erasmus of Roterdame », la plupart sous le patronage de Cromwell. Richard Taverner a transformé l’Encomium matrimonii en une attaque contre le célibat des prêtres, la superstition aveugle, etc. On représente É. comme un simplificateur de la doctrine, on choisit donc surtout les œuvres satiriques mais aussi les œuvres religieuses (Colloques, Enchiridion). Les vues d’É. sont souvent présentées comme des adiaphora. Sur le problème de l’Eucharistie, et de la Présence réelle, il se refuse à donner une définition précise, mais finalement il accepte la doctrine de la transsubstantiation sur les bases de l’Écriture. Il a pourtant de la sympathie pour ceux qui voient dans l’Eucharistie un symbole. Dans la Pietas puerilis de 1522, il évite aussi une définition de la Pénitence. Dans le De sarcienda Ecclesia, il demande seulement un accord entre les chrétiens sur ce point. A partir de 1519, il est de plus en plus décidé à éviter une définition qui le tiendrait prisonnier. Il se tait quand les Anabaptites et les réformateurs suisses les plus intellectuels défendent l’idée d’une communion commémorative (Œcolampade prêche contre la doctrice de la transsubstantiation et contre Luther). Il est très prudent en 1525 pour donner l’avis que la Ville lui demande officiellement. Mais Pellican proclame qu’il a adopté la nouvelle doctrine. Il est obligé de démentir Pellican, et s’en tient au consensus de l’Église. Les Réformateurs s’irritent contre lui, Rome force sa position. Il semble travailler sur ce sujet en 1526, mais il interrompt son travail, ne se sentant plus en sécurité à Bâle. Jud publie un livre qui rapproche sa position de celle de Luther. La situation d’É. devient intenable, mais il n’ose pas attaquer de front Oecolampade. Il pense que le Christ n’aurait pas supporté si longtemps le maintien d’une erreur sur cette question, mais il ne voit pas de formulation précise de l’Eucharistie dans l’Écriture ou chez les Pères. En 1530 il publie une édition du De Veritate Corporis et Sanguinis Dominici in Eucharistia, traité du moine du XIIe siècle Alger de Liège, il le dédie à Balthasar Mercklin, évêque de Hildesheim et proche conseiller de l’Empereur. Pour la premièrer fois il examine de près les arguments relatifs à ce sacrement, et s’inscrit nettement du côté des partisans de la transsubstantiation. Il n’emploie pas ce terme, et plusieurs de ses lettres de l’époque manifestent quelque hésitation à cet égard. Les réformateurs anglais deviennent érasmiens, ne sont pas des penseurs religieux radicaux ; plusieurs sont restés sur le Continent par prudence. Les Articles de 1536 réglant les manifestations de la vie religieuse reposent sur une base non-dogmatique et érasmienne. Une campagne de justification de la politique royale mobilise les humanistes et les traducteurs d’Érasme. On traduit en anglais sa préface au traité d’Alger, on approuve sa position, reprise dans le De sarcienda, on force ses conclusions touchant la doctrine. Cranmer accepte cette doctrine et en 1547 toutes discussions à ce sujet seront interdites (Actes des Six Articles). La publication de la traduction anglaise des Paraphrases en 1548 et 1549 ajoute peu à la controverse. Gardiner, en prison, proteste contre cet usage des écrits d’É. En 1550 Cranmer écrit la Defence of the Trueand Catholick Doctrine of the Sacrament, mais Gardiner se sert encore des textes d’E. contre lui. A l’avènement de la reine Marie, le problème est repris, Cranmer est à son tour en prison : la doctrine du sacrifice de la messe et de la Présence réelle est officialisée. 264. – Dilg, Hans-Peter. Die « Palinodia » des Euricius Cordas and seine Beziehung zu Erasmus von Roterdam, in Alma Mater Philippina WS (1971-72), pp. 31-34. La grande édition des Opéra omnia d’Érasme (Leyde, 1703-06) contient tout un ensemble d’éloges funèbres de l’humaniste, en tête du premier volume in folio. Il s’agit d’un « tombeau » littéraire composé de vers de contemporains (d’Érasme), parmi lesquels ceux d’un médecin et botaniste, Euricius Cordus. Il fut en 1527 le premier Professeur de Médecine de l’Université de Marbourg. Au livre III de son livre d’Epigrammata, on trouve ces vers relatifs à Érasme : « Seu sit hic Ebraeus, seu Graecus, sive Latinus / Tot linguas uno (quis putet ?) ore sonat. » Il y a un poème plus long, datant de 1519, que Cordus a intitulé « Palinodia quod mortuum Erasmum scripserat » (le bruit de la mort d’É. s’était répandu, et Cordus y avait cru et composé un éloge funèbre !). Poème publié à Erfurt, que l’on trouve dans plusieurs éditions de ses Œuvres. Le biographe de Cordus, W. Kahler, appelle ce poème « mire elegans » (voir sa Vita D. Euricii Cordi, 1744). Né en 1486, il devait mourir en 1535, un an avant É. En 1519, Cordus appartenait au cercle humaniste de Conrad Mutianus et de Helius Eobanus Hessus, la « sodalitas Erphurdiensis ». Bons rapports d’E. avec Eobanus Hessus (voir Cari Krause, Helius Eobanus Hessus, Gotha, 1879). luste Jonas et Caspar Schalbus devaient se joindre au cercle d’Erfurt. Dans une lettre du 24 juin 1519, écrite en allemand, à Melchior von Aachen, il exprime toute son admiration pour Érasme, qu’il appelle « son Père dans le Christ ». É. écrit le 17 avril 1519 à Cordus pour lui dire son amitié et l’encourager dans ses efforts pédagogiques (il avait ouvert une école à Erfurt). Bientôt le bruit de la mort d’É. à Louvain se répand (voir à ce sujet la lettre d’É. à Jean Schlechta du 23 avril 1519). Christophorus Hacus, ami de Cordus, avait composé aussi un poème « in obitum Erasmi ». Un « carmen elegiacum » de Cordus circula dans le cercle amicai ; après quoi, Cordus composa sa Palinodia, avec une auto-ironiev Analyse des distiques élégiaques. C’est une occasion pour renchérir sur l’éloge d’Érasme, vanter ses « travaux d’Hercule » et les « bonae artes », son éloquence, la finesse de son esprit, son énergie, sa puissance créatrice. Chacun doit connaître ses œuvres par cœur. Éloge de ses idées réformatrices. Dans sa « palinodie » adressée à son ami « Vegetius Fuldensis », il passe en revue, pour les vanter, tous les mérites d’É. (voir l’édition de Francfort des Opéra poetica de Cordus, 1564). Le ton d’Érasme dans sa lettre du 17 avril 1519, le jeu de mots sur « cordatissime Corde » (très cordial Cordus) montre que les rapports des hommes devaient être assez intimes. L’éloge d’É. est rempli d’allusions classiques et mythologiques, plein d’emphase aussi. A comparer à deux autres poèmes de Cordus (à ses élèves et à ses fils). Allusions plus ou moins directes à É. dans son livre d’Epigrammata (Livres I, III, VI et XI), composés avant et après la Palinodia (voir la dissertation de Hans Vogel : Euricius Cordus in seinen Epigrammen, Greifswald 1932). Les poèmes permettent de voir les changements survenus dans les rapports entre Cordus et É. (Cordus passa du côté de la Réforme). Dans les Épigrammes du L. III, glorification de l’auteur de l’Eloge de la Folie, Cordus prend position contre Edward Lee. Mais le livre VI est très différent. Les dernières épigrammes sont chargées de blâmes et de critiques à son égard. Poèmes en latin et en allemand. Ce sera bientôt le silence sur Érasme. 265. – Dolan, John. Liturgical Reform among the Irenicists, in Sixteenth Century Essays and Studies, edited by Cari S. Meyer. St. Louis, Missouri, vol. II, pp. 72-94. Ambivalence des termes liturgie ou messe : le premier, avec les implications du sacrifice, de l’oblation, est rejeté par les Réformés, et le second a des connotations trop médiévales. Plusieurs termes sont synonymes, comme communia, Coena Domini ou Eucharistia. La sola scriptura pose aux catholiques un sérieux problème de méthodologie. Si la liturgie latine est rejetée par les Réformés, il est vraisemblable que soit rejetée aussi la liturgie germanique. Examen des positions de Luther, Zwingli, Bucer, Cochlaeus, Emser, etc., et surtout celle d’Érasme. Sa réputation d’iconoclasme a souvent obscurci sa contribution positive au mouvement liturgique. Sa critique de certaines pratiques religieuses a fait de lui un « spiritualiste » (voir le livre d’Étienne de 1956, DA, n° 283), que l’on oppose aux théologiens catholiques. Huizinga a insisté également sur cet aspect de sa piété. Dans le canon 5 de l’Enchiridion cette attitude apparaît le plus clairement avec l’opposition nette entre le spirituel et le charnel. Voir aussi son Convivium religiosum, publié au plus fort de la controverse religieuse. Il dénigre les aspects cérémoniels du système sacramentaire. Il a été placé au cœur de cette controverse par le Conseil de Bâle, qui lui demandait son avis sur le De genuina verborum Domini... d’Œcolampade. En avril 1528, une brochure de Léo Jud, dans laquelle il est célébré, l’enrôle malgré lui dans un débat qui vise à dénigrer la liturgie traditionnelle. É. y est dépeint comme un zwinglien, et comme un adhérent du « rechten leer ». É. a suspecté Pellican d’en être l’auteur, et il répondra par sa Detectio praestigiarum. Il refuse de passer pour un « supporter » de la doctrine de Karlstadt, ou de celle d’Œcolampade. En fait des œuvres comme l’Enchiridion et les Colloques prouvent sa croyance en la présence réelle. Le terme de symbole, qu’il emploie, signifie le signe de l’incorporation de chacun de nous dans le Corps mystique du Christ. Il édite en 1530 le De veritate corporis et sanguinis Dominici in Eucharistia d’Alger de Liège (XIP siècle). C’est un moment crucial de son débat sur l’Eucharistie (voir Oelrich, Der späte Erasmus..., DA n° 468). Il réitère sa croyance à la doctrine de l’Église, il le répète à Boniface Amerbach le 25 mars 1532. Il est l’auteur d’une messe consacrée à Notre-Dame de Lorette (1523), dédiée à Théobald Bietricius, curé de Porrentruy. La structure et le style de cette messe sont parfaitement traditionalistes. Elle eut un grand succès à Besançon, elle est un bon exemple de poésie hymnologique. Également dans le Modus orandi Deum (1524), dédié à Laski, il se recommande de la liturgie traditionnelle. Il a écrit des textes importants sur la prière et l’action de grâces. Voir aussi le De sarcienda Ecclesiae concordia, où il résume ses idées sur la messe. Il veut rendre plus simple le rituel, mais non le supprimer, il ne souhaite pas de traduction en vernaculaire. Voir aussi l’Explanatio Symboli, (1533), dédié à Thomas Boleyn, où il parle de sacrement et d’Eucharistie. – Considérations sur Witzel, son Pro concordia Ecclesiae, et les ordonnances religieuses dans le Brandebourg. 266. – Domanski, Juliusz. Z patrystycznych zrôdel « philosophia Christi » : sw. Jan Chryzostom i erazmianska koncepja filozofii [Sur les sources patristiques de la philosophia Christi : saint Jean Chrysostome et la conception érasmienne de la philosophie], Prace Historyczne, Zesty 33, pp. 87-102, résumé anglais. Voir n° 418 et NA, n° 1132. Le terme de philosophia Christi a été utilisé par É. dans une conception beaucoup plus générale de la philosophie, une conception qui est marquée par un caractère éminemment « pragmatique ». Pour Érasme, le christianisme originel et envisagé dans sa pureté, c’est la « philosophie du Christ », dont il est écrit dans la Paraclesis, qu’elle est « vita magis... quam disputatio, afflatus potius quam eruditio, transformatio magis quam ratio ». Mais ces mots s’appliquaient pour lui également à toute philosophie, historiquement déterminée, pourvu qu’elle s’exprime dans sa pureté originelle. Pour lui seules des philosophies dignes de ce nom sont celles qui sont soutenues par des hommes capables d’en appliquer la doctrine à leur propre vie. Antérieurement au Christ (et sans tenir compte de l’Ancien Testament, préhistoire du Nouveau) plusieurs philosophes grecs représentaient cette conception de la philosophie : Socrate, Antisthène, Diogène le Cynique, Épictète. Le « pragmatisme » de la conception érasmienne de la philosophie montre des analogies évidentes avec l’enseignement de saint Jean Chrysostome. L’enseignement de ce saint comporte l’idée que la connaissance théorique en elle-même ne constitue pas la vraie philosophie ; il faut la compléter dans et par l’action, c’est-à-dire par une existence qui lui soit conforme. Mais Chrysostome ne pouvait admettre aucune autre conception philosophique en dehors du christianisme. Certains philosophes antiques ont pu s’en approcher, mais il reste un abîme infranchissable. En dépit du caractère plus large de la conception érasmienne de la philosophie, le rapprochement est étroit entre les deux auteurs. Cette identité n’est pas le fait du hasard, E. se recommande de Chrysostome dans la Ratio verae theologiae. Voir notamment l’adage Philosophari, dans lequel E. élimine dans une très large mesure des significations variées, théoriques et « scientifiques » du concept de philosophie, ajoutant à cet égard que cette attitude correspond exactement à la conception de la philosophie selon Chrysostome. 267. – Dresden, Sem. « Geloof me : mensen worden niet geboren... » [ « Crois-moi : les hommes ne sont pas nés... »], in Erasmus / Genie en Wereld (voir n° 419), pp. 101-115. Réflexions autour du concept d’humanitas : qu’est-ce qui fait la spécificité humaine de l’homme, sa nature ou sa culture ? Sa connaissance, ses instincts ? Unité de la nature et de l’esprit humains. Erasme s’est exprimé sur ce problème dans de nombreux écrits. Dans sa correspondance É. s’est expliqué sur le sens de humanitas. Il se rencontre avec d’autres humanistes, comme Leonardo Bruni ou Francesco Barbara, pour parler d’un idéal de culture, de raffinement, de civilisation, et surtout l’idée que l’humanité n’est pas donnée à l’homme, mais qu’il doit la conquérir, la construire de toutes pièces. Dans son traité pédagogique De pueris instituendis, il