Au Sénégal, le système d'élevage prédominant est le pastoralisme, un élevage mobile, fondé sur une dépendance très étroite à l'égard des ressources naturelles. Il est pratiqué par des exploitations familiales qui peuplent généralement des zones enclavées. À cause de multiples contraintes, ces acteurs sont souvent exclus des filières formelles, surtout pour ce qui est de la commercialisation de leur lait. Néanmoins, des initiatives sur la collecte du lait issu des ménages pastoraux existent. La principale est la Laiterie du Berger, installée à Richard-Toll dans le nord du Sénégal et vouée à la valorisation du lait local. Cette entreprise a révolutionné la filière laitière de la zone, en organisant les acteurs au sein d'un cadre d'échanges formels et réguliers. Elle a également développé une série d'outils numériques pour faciliter la gestion de la collecte de lait, la distribution de l'aliment bétail et le paiement mensuel des éleveurs. Cette communication se base sur les résultats préliminaires d'une enquête quantitative qui a été menée, dans le cadre du projet Fracture Numérique, en novembre 2022, dans la zone du bassin de collecte de la Laiterie du Berger, ainsi que dans une zone limitrophe non collectée. Au total, 318 concessions d'éleveurs ont été enquêtées, et en leur sein 1 272 individus (femmes et hommes, mariées et non mariées). Cela a permis de montrer que plusieurs fractures numériques existent, se situant à trois niveaux : spatial, qui a trait au décalage entre différentes zones ; vertical, sur la base des ressources disponibles pour chaque individu ; et horizontal, ayant rapport à l'identité de l'individu. Les différentes formes d'inégalités, lorsqu'elles s'intersectent, se renforcent et s'exacerbent mutuellement. Les résultats de l'enquête nous permettent d'affirmer que, dans le contexte étudié, les groupes sociaux qui ont moins de chances de saisir les opportunités offertes par le numérique sont les jeunes femmes (non mariées) qui n'ont pas (ou peu) de capital productif (bétail) et qui vivent dans des zones enclavées par rapport aux centres urbains. Il est question de s'interroger sur la capacité des innovations numériques à inclure et être avantageuses pour ces groupes discriminés, plutôt que d'agrandir les fossés existants.